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SENAT: Le bon budget existe, on l'a retrouvé! Les mesures votées en 2011 par les sénateurs socialistes et du Front de gauche constitueraient un vrai budget anti-austérité. La preuve:
ll y a un an, toute la gauche adoptait au Sénat des mesures faisant payer le capital et les plus aisés des contribuables. Aujourd'hui, les sénateurs communistes républicains et citoyens (CRC) font valoir la pertinence de ce projet face à la crise. La gauche sénatoriale aura-t-elle de la mémoire à l'heure où le Sénat examine le projet de loi de finances 2013 que l'Assemblée nationale a adopté il y a quelques jours ? Se souviendra-t-elle qu'en décembre 2011, après avoir conquis, une première historique sous la Ve République, la majorité au Sénat, elle a eu le courage politique, dans le cadre du vote du budget 2012, de voter des mesures taxant le capital et faisant revenir dans le giron de l'État près de 30 milliards d'euros?C'était sous le gouvernement de François Fillon et la présidence de Nicolas Sarkozy. La France, selon le gouvernement de l'époque, vivait « au-dessus de ses moyens », devait réduire les dépenses de l'État, faire payer le plus grand nombre avec, en perspective pour l'automne 2012, la TVA sociale, et maintenir les privilèges du capital et des plus fortunés avec, par exemple, le bouclier fiscal de triste mémoire. Alors dans l'opposition dans le pays, la gauche majoritaire au Sénat, comme pour donner à voir ce que pourrait être demain une politique de gauche au plan national, votait un train de mesures : l'augmentation du rendement de l'impôt sur les sociétés pour 20 milliards d'euros, l'imposition des plus hauts patrimoines pour 2 milliards d'euros, le retour à l'impôt sur la fortune comme avant son affadissement par Nicolas Sarkozy pour 2 milliards d'euros, une plus forte progression de l'impôt sur les revenus des plus aisés pour 3 milliards d'euros (voir ci-dessous ) et... la suppression du bouclier fiscal. ELLES SONT LOIN LES BELLES PROMESSES Le 6 décembre 2011, toute la gauche sénatoriale, socialiste, communiste, Front de gauche, écologiste, avait voté ces propositions. Pour Nicole Bricq, sénateur PS, alors rapporteure générale de la commission des Finances, «notre conception est à l'exact opposé de la droite, qui a consisté à sacrifier les recettes publiques pour ensuite contenir les dérapages en taxant à tout va et en détruisant les services publics...». Et de poursuivre à propos des efforts demandés : « Je serais surprise que, quel que soit le gouvernement au pouvoir en 2012, ce ne soit pas le montant minimal d'effort pour respecter l'objectif de déficit de 4,5 % de PIB en 2012. » De son côté, Thierry Foucaud (PCF) expliquait le vote positif du Front de gauche par ces mots : «Démonstration est faite que l'on pouvait solliciter des ressources nouvelles pour répondre aux défis de notre temps, qu'il s'agisse de la rénovation des politiques publiques ou la réduction des déficits... faisant ainsi de la dépense publique le moteur de la croissance. » C'était en décembre 2011. Aujourd'hui la gauche socialiste et écologique est au pouvoir. Et pourtant... Le projet de budget 2013 ne reprend pas, ou trop peu, les avancées de la gauche sénatoriale de 2011. Au contraire, ce budget 2013 s'inscrit, lui, dans une démarche d'austérité avec, par exemple, vingt milliards de prélèvements supplémentaires dont dix sur les ménages et dix de réduction des dépenses publiques. Auquel il convient d'ajouter l'annonce du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en faveur de la compétitivité des entreprises avec la mise en place du crédit d'impôt à hauteur de 20 milliards d'euros. Crédit qui sera financé par un tour de vis supplémentaire sur les dépenses publiques et une nouvelle hausse des prélèvements dont, en 2014, la TVA. C'est dire... Nous sommes loin des appels du candidat François Hollande « contre l'ennemi invisible, la finance ». Nous sommes aussi en déphasage avec le projet de loi de finances rectificatives 2012 présenté en juillet dernier. II prévoyait notamment huit milliards d'euros de recettes - nouvelles venant à 45 % de prélèvements sur le capital, à 22 % de remises en cause de niches fiscales dont bénéficiaient les entreprises, et à 18 % d'impositions exceptionnelles sur les banques... Une fois encore, toute la gauche, y compris le Front de gauche, avait, «parce que cela va dans le bon sens », explique le député (PCF) André Chassaigne, voté ce projet de loi rectificatif 2012. LE SACRO-SAINT DOGME DE LA REDUCTION DE IA DETTE Force est de constater qu'aujourd'hui le gouvernement et sa majorité ont, depuis la rentrée, pris le tournant de l'austérité. Avec l'adoption à marche forcée du traité austéritaire européen par le Parlement, la croyance en ce sacro-saint dogme auquel le gouvernement s'accroche de réduire à tout prix la dette et pour parvenir à 3 % de déficit dès 2013 et 0 % en 2017, participe du caractère de ce budget. Ce malgré les expériences européennes (Grèce, Espagne, Portugal) et les avertissements venant de toutes parts à gauche que la dette n'est pas en soi un problème et que l'austérité conduit a la récession. Mais les causes de ce tournant austéritaire sont à rechercher aussi dans les difficultés voire, parfois, l'incapacité du gouvernement à faire front face aux pressions du patronat et des marchés financiers. Comme le montrait le président François Hollande lors de sa conférence de presse du 13 novembre qui affirmait, à propos du rapport de Louis Gallois en faveur des entreprises, que la patronne du Medef, Laurence Parisot, soutient des deux mains: «jamais, depuis trente ans, un gouvernement n 'a pris aussi rapidement des décisions pour réduire la dette publique et favoriser les investissements des entreprises. » Mais cela fait plus de trente ans que, tous gouvernements confondus, l'Etat donne de l'argent aux entreprises pour favoriser l'investissement et développer l'emploi. Chacun voit le résultat. Pierre Laurent, sénateur et secrétaire national du PCF rencontrait, avec les parlementaires du Front de gauche, le premier ministre pour lui demander d'écouter les propositions qui viennent de sa gauche. Il est temps. Max Staat
1 . Plafonner l'avantage fiscal sur les intérêts des prêts des sociétés : 13 milliards de recettesSelon les règles fiscales en d'imposition réel entre elles (39,5 % vigueur, les entreprises ont pour les PME, contre 18,6 % pour la possibilité de déduire de leur bénéfice net imposable leurs intérêts d'emprunts, contractés notamment pour acquérir d'autres entreprises. Cet avantage fiscal est accordé jusqu'alors sans plafonnement et présente plusieurs effets pervers. En particulier, « il confère un avantage aux secteurs les plus capitalistiques et aux grandes entreprises, compte de tenu du poids de leur endettement dans la valeur ajoutée », indiquait la rapporteure générale du budget au Sénat, Nicole Bricq (PS), le 17 novembre 2011, dans sa présentation du budget 2012 à la Haute Assemblée. Selon la direction générale du Trésor, l'avantage procuré par les intérêts d'emprunts est ainsi quatre fois supérieur pour les entreprises de plus de 5000 salariés que pour les PME, contribuant pour les grandes entreprises). Sur proposition de la rapporteure, la majorité de gauche avait plafonné cet avantage, en limitant la déduction des intérêts d'emprunts à 30 % du résultat brut des sociétés, dans la limite de 3 millions d'euros. Une « innovation fiscale » qui représenterait « un rendement potentiel supplémentaire pour l'impôt sur les sociétés (IS) de 17milliards d'euros ». Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac (PS), n'a repris qu'une version très édulcorée de cette proposition dans le budget 2013, en proposant de plafonner à 85 %, puis à 75 % à compter de 2014, la part des charges financières que les entreprises soumises à l'IS peuvent déduire de leur résultat imposable. Rendement attendu de la mesure : 4 milliards de recettes en 2013, soit un manque à gagner de 13 milliards d'euros par rapport à la moitié aux 20 points d'écart au taux mesure votée par le Sénat en 2011.2.L'amendement « pigeons » coûte 750 millions d'euros à l'Etat 250 millions d'euros « seulement » seront récoltés par la taxe sur les plus-values de cession d'entreprise. Le projet de loi de finances 2013 prévoyait initialement de renforcer cette taxation pour un montant total d'environ 1 milliard d'euros. Actuellement, avant que n'entre en application ce budget 2013 et ses dispositions, la plus-value réalisée lors d'une telle vente est taxée à 19 %, plus 15,5 % de cotisations sociales. Le projet du gouvernement consistait à porter ce premier taux à 45 % pour ceux dont les revenus annuels dépassent, s'ils sont célibataires, 150000 euros, et 450000 pour les familles. Une mesure de justice visant à aligner la taxation des revenus financiers sur celle des revenus du travail qui a suscité la fronde ultra-médiatisée des patrons « pigeons » (sic). Face à cette offensive, le gouvernement n'a pas tenu bon. Dans la foulée, le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a annoncé des modifications de cette taxation des plus-values de cession. Ainsi, des dispositifs dérogatoires permettant aux chefs d'entreprise, sous certaines conditions, de continuer à s'acquitter du taux de 19 %, une exonération pour ceux qui réinvestissent, et un abattement progressif en fonction de la durée de détention de l'entreprise ont notamment été décidés. Soit un manque à gagner de 750 millions d'euros pour l'État du fait de cet amendement. Le dispositif dans son ensemble a été supprimé vendredi au Sénat, mais sera rétabli à l'Assemblée nationale, a promis dès samedi le président du groupe PS, Bruno Le Roux. 3. L'ISF, rétabli avec un seuil d'entrée encore trop haut et un manque de progressivité La création de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui a touché 562000 foyers fiscaux en 2010, .est emblématique pour la gauche, qui l'a mis en place en 1982. Dans la discussion sur le budget 2012, la gauche Majoritaire au Sénat souhaitait le rétablissement intégral de l'ancien barème, modifié par Nicolas Sarkozy, mesure qui devait rapporter 19 milliard d'euros. Or, le projet de budget 2013 ne rétablit que partiellement ce barème. D'après le document rédigé par le groupe CRC, le fait que le gouvernement ne revienne pas sur te seuil d'entrée de l'ISF, passé sous 800 000 euros à 1,3 million d'euros, exonère 300 000 foyers du paiement de cet impôt. Un manque à gagner de 300 millions pour 2014 (les foyers déclarant un patrimoine net imposable compris entre 800 000 et 1,3 million d'euros au 1er janvier 2012 seront soumis à l'impôt pour 2013). Pire, le gouvernement, malgré le rétablissement des cinq tranches d'imposition, passe à côté de possibles recettes, équivalentes à 600 millions d'euros, en ne modifiant pas les tranches moyenne et haute de l'ISF. Le pouvoir sarkozyste avait réduit le nombre de tranches, avec un barème « simplifié » en 2011, à seulement deux. La progressivité -le Front de gauche milite pour fixer l'ISF à 14 tranches - en avait pâti. Il avait également abaissé la tranche la plus haute de 1,8 % à 1,5 % au-delà de 10 millions d'euros de patrimoine, qui ne sera pas touchée par le gouvernement. Le Sénat a en effet voté, hier, l'article 9 du projet de loi de finances qui consacre cette mesure. 4. Encore un effort à faire pour renforcer la progressivité de l'impôt sur te revenu L'impôt sur le revenu, considéré comme le plus juste, a vu depuis plusieurs an-1 nées sa proportion dans les recettes de l'État reculer alors que sa progressivité diminuait. En commission des Finances, Eric Bocquet, sénateur communiste, notait « une tendance structurelle à la réduction de la contribution des plus hauts revenus et à V accroissement relatif de la contribution des bas et moyens revenus». C'était justement le sens^ d'un amendement déposé par son groupe, mais rejeté en commission, que de renforcer cette progressivité en créant deux nouvelles tranches sur les plus hauts revenus. L'une à 45 % pour les revenus compris entre 100000 euros et 250000 euros par an. L'autre à 50 % pour les revenus supérieurs à 250000 euros.La première de ces deux tranches figure dans le projet du gouvernement. Mais celui-ci n'a pas voulu de la seconde, le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, estimant que « s'il est normal de solliciter davantage que d'autres les hauts revenus, il faut aussi rester raisonnable ». Eric Bocquet estime que « rorientation est la bonne », mettant notamment en exergue la mise à niveau de l'imposition des revenus du travail sur celle des revenus du capital. Pour autant, reste le regret de ne pas être allé plus loin dans la progressivité : le groupe CRC avait estimé que la mise en place d'une tranche à 50 % aurait permis d'augmenter le rendement de l'impôt sur le revenu de 2 milliards d'euros.
5. L'imposition des dividendes, encore limitée, ne rapportera pas les 630 millions promis La baisse de l'abattement sur le montant des dividendes perçus, de 40% à 20%, c'est-à-dire en fait une augmentation de l'imposition sur les dividendes, aurait pu alimenter le budget de l'État à hauteur de 630 millions d'euros supplémentaires. C'est en ce sens que les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) ont déposé l'un de leurs nombreux amendements au projet de loi de finances 2013. « Cet amendement est inspiré par une proposition du Conseil des pr élèyements obligatoires. Le taux de l'impôt sur les sociétés n'est plus de 50 %, , loin s'en faut, il serait plutôt de 12 ou de 13 %, voire 8 % pour les entreprises du CAC40. Des bénéfices substantiels échappent au prélèvement», a justifié |Marie-France Beaufils, au nom de son groupe, lors de la discussion au Sénat.« Si l'abattement sur les dividendes se justifie, la diversité du taux réel acquitté par les entreprises, de quasi rien à 35 %, rend aléatoire la fixation d'un taux précis. Aucun ne saurait être vraiment juste. (...) Cet amendement durcit encore la fiscalité de l'épargne », a estimé en réponse le rapporteur PS de la commission des Finances, François Marc. Le ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, a renchéri suivant la même logique : « Le taux a déjà été abaissé de 50 % à 40 %, ce qui semble être un taux loyal », a dit-il jugé en émettant un avis défavorable à l'amendement des sénateurs communistes, qui pourtant faisait partie des principales dispositions adoptées un an auparavant par la majorité de gauche sénatoriale. Sébastien Crépel, Julia Hamlaoui, Grégory Marin et Adrien Rochaleou |