HOMMAGE. Oscar Niemeyer s'est éteint mercredi soir. Le Havre lui doit son
emblématique « pot de yaourt », surnom témoignant des réserves que sa
construction suscita à l'époque.
Oscar
Niemeyer n'aimait pas les angles droits. Un comble, au Havre. La Porte
Océane doit pourtant à l'architecte brésilien - décédé mercredi soir à l'âge
de 104 ans, dans sa ville natale de Rio de Janeiro - l'un de ses joyaux. La
Maison de la culture, inaugurée en 1982, renommée officiellement Volcan en
1990.
D'autres n'ont pas attendu cette date pour la rebaptiser à leur manière. Un
certain Antoine Rufenacht, conseiller général et opposant municipal alors
peu inspiré par les travaux de Niemeyer, popularisa à l'époque le fameux «
pot de yaourt », désormais ancré dans le vocabulaire collectif.
« Il citait le Volcan comme l'une de ses pièces maîtresses »
« Il s'agissait avant tout de préoccupations politiciennes, de la part d'une
opposition de droite qui critiquait sans discernement toute proposition »,
tacle Daniel Colliard, alors premier adjoint au maire communiste André
Duroméa. Une analyse que validerait presque Antoine Rufenacht. « Vous savez,
quand on est dans l'opposition, on porte parfois des jugements excessifs,
c'est le propre même de la politique », observe simplement l'ancien maire du
Havre.
Le contraste, a priori déroutant, entre les courbes élancées du brésilien et
la rigidité géométrique de Perret était « voulu », insiste Daniel Colliard.
Nous sommes alors au tout début des années 70. Niemeyer, la soixantaine et
l'expérience Brasilia déjà derrière lui, « venait de réaliser le siège du
parti communiste à Paris », complète l'ancien adjoint. « Il faisait beaucoup
parler de lui. » L'architecte échappait surtout, en France, à la dictature
sévissant dans son pays. Exilé, réfugié, qui plus est fervent militant
communiste : au-delà de l'artiste, la municipalité ne pouvait qu'être
séduite par l'homme de convictions. « C'était aussi une démarche politique
au sens fort du terme », confirme Daniel Colliard.
Bernard Mounier, directeur de la Maison de la culture au moment des
réflexions initiales, garde pour sa part « le souvenir d'un premier projet,
en 1973, qui ne marchait pas du tout, avec une scène tournante. J'ai demandé
à rencontrer Oscar Niemeyer pour lui expliquer nos missions. Je me souviens
d'un homme affable, aux yeux pétillants d'intelligence. Il avait un bloc de
papier : il dessinait au fur et à mesure que je parlais. Le Volcan est né
ainsi sous mes yeux, en l'espace de deux-trois heures ».
« Il l'évoquait comme l'une de ses pièces maîtresses », rappelle Antoine
Rufenacht. Pourtant, elle n'aura pas totalement réussi dans son entreprise
d'appropriation par la population. L'actuelle réhabilitation des lieux est
justement censée faire de la partie basse du site le lieu de vie et de
passage qu'il aurait toujours dû être. « Il fallait résoudre la
problématique de ce que les Havrais appelaient le « trou ». Niemeyer n'avait
probablement pas assez pris en compte les préoccupations de vent d'ouest et
les difficultés d'accès », note Antoine Rufenacht.
C'est dans le but de solliciter son accord que l'élu rencontra en 2007
l'architecte brésilien, chez lui, près de Copa Cabana. « Il s'est penché de
très près sur les dessins, et il a parfaitement compris les enjeux »,
rapporte l'ancien maire. En 2009, une deuxième entrevue fut
malencontreusement annulée in extremis. Antoine Rufenacht devait remettre à
Oscar Niemeyer son titre de citoyen d'honneur de la ville du Havre.
(source Havre-Libre)