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Mercredi 31 Octobre 2012 :
Pour la Sécu, le changement attendra... Pour cause d'austérité, le budget 2013, soumis au vote aujourd'hui, s'inscrit dans la continuité des précédents. Les obstacles tarifaires à l'accès aux soins légués par Sarkozy sont maintenus. Les besoins financiers de l'hôpital ignorés. La Sécurité sociale méritait mieux. Pour les députés du Front de gauche, le budget de la Sécu (PLFSS) 2013, au regard des immenses attentes de changement accumulées ces dix dernières années, est un rendez-vous manqué. Au terme d'une semaine de débats à l'Assemblée, et la veille du vote en première lecture des députés, les lignes directrices du projet présenté par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et son homologue du Budget, Jérôme Cahuzac, n'ont pratiquement pas varié. « Tous nos amendements ont été repoussés, sauf un, concernant une demande de rapport sur les partenariats public-privé des hôpitaux suite au scandale de l'hôpital sud-francilien », s'indigne Jaqueline Fraysse, porte-parole des députés FDG sur le sujet. « Fondamentalement, constate-t-elle, ce budget s'inscrit dans la continuité avec ses prédécesseurs, pour des raisons de choix financiers. » Premier motif de déception : la non-remise en cause des mesures prises par les gouvernements de Sarkozy et qui ont considérablement aggravé les conditions d'accès aux soins. C'est le cas des franchises médicales, des multiples déremboursements, de la hausse du forfait hospitalier, de la taxe sur les mutuelles, de la journée de carence pour les agents de la fonction publique, ou encore de la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail. Autant de mesures qui avaient souvent scandalisé toute la gauche, y compris Marisol Touraine, qui, alors députée, avait stigmatisé des prélèvements injustes n'ayant « d'autre effet que d'accroitre les inégalités en matière de santé ». Le renoncement trouve sa source dans le dictat de la rigueur, que le gouvernement Ayrault a décidé d'appliquer à la protection sociale comme aux finances de l'État. Et c'est de la même façon que s'explique la faible augmentation de l'enveloppe budgétaire (Ondam) de l'assurance maladie, et singulièrement des crédits pour l'hôpital (lire p. 3), laissant augurer de nouvelles coupes dans les effectifs, alors que tant d'hospitaliers sont d'ores et déjà en état de souffrance faute de personnels suffisants. « Vous poursuivez donc, force est de le constater, la réduction des moyens de l'hôpital public », a lancé la porte-parole des députés FDG à Marisol Touraine. Des progrès qui ne font pas le poids Ce PLFSS contient certes quelques avancées, comme, pour les hôpitaux, la fin du gel des enveloppes consacrées au financement de leurs missions de service public, ou la fin de la convergence tarifaire hôpitaux publics-cliniques privées (dispositif désavantageant les premiers). Et, pour les assurés, la prise en charge intégrale des IVG (mesure toutefois d'une portée limitée par le fait que de nombreux centres d'IVG ont été rayés de la carte ces dernières années), ou encore la possibilité de partir en retraite à 60 ans pour les victimes de l'amiante. Appréciables, ces progrès ne font pas le poids devant les motifs de déception. Déception somme toute logique dans la mesure où le gouvernement, hormis une hausse des taxes sur la bière et les tabacs, et, plus grave, un prélèvement nouveau sur les retraites (lire encadré ci-dessous), s'est refusé à rechercher des recettes nouvelles pour alimenter la Sécu. Marisol Touraine et Jérôme Cahuzac se sont montrés en effet intraitables face aux nombreuses propositions faites en ce sens par les députés Front de gauche. La plus emblématique, et applicable sans délai, étant celle consistant à taxer les revenus des placements financiers des banques et des entreprises au même niveau que la cotisation sur les salaires. « Ça rapporterait beaucoup, fait valoir Jaqueline Fraysse. Cela taxe l'argent qui ne sert à rien, sauf à la spéculation, sans toucher les investissements. Et par ailleurs, ce serait efficace car cela contribuerait à réorienter l'utilisation de l'argent vers des activités utiles. » Une fin de non-recevoir a pourtant été opposée à cette proposition, comme aux amendements visant à supprimer les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui servent aux femmes salariée des salaires inférieurs à ceux des hommes, où à celles qui utilisent plus de 20 % de travail à temps partiel. Autant de pistes écartées au motif qu'elles étaient trop sévères pour les entreprises, ou bien dans l'attente d'une future réforme. Autant de raisons qui devraient amener le groupe Front de gauche de l'Assemblée à ne pas voter, aujourd'hui, pour le PLFSS, ces parlementaires devant décider ce matin s'ils se prononcent contre ou bien s'abstiennent. Yves Housson Ça va encore saigner dans l'emploi hospitalier La hausse trop faible des dotations budgétaires pourrait entraîner, selon la CGT, la suppression de 15 000 à 20 000 emplois à l'hôpital. C'est pratiquement un bulletin de victoire que vient de publier le directeur du CHU de Nice en faisant état d'un déficit de son budget réduit à 1,9 million d'euros à la fin de l'année avec promesse d'un retour à l'équilibre en 2013. En cinq ans, les hôpitaux publics niçois auront ainsi « économisé » 38 millions d'euros. « Sur le dos du personnel », précise quand même l'élu CGT Éric Brizzo en égrenant les mesures antisociales prises ces dernières années : « Retard dans l'avancement des carrières, suppression de primes après quatre jours d'absence et surtout baisse des effectifs par le non-remplacement des retraités. » Le cas du CHU de Nice est loin d'être unique. À l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ce sont 4000 emplois qui ont été supprimés en trois ans. L'hémorragie va-t-elle s'arrêter ? Le gouvernement l'espère qui, conformément à une promesse du candidat Hollande, va mettre fin à la convergence tarifaire entre hôpitaux publics et cliniques privées. Mais qui ne propose qu'une augmentation de 2,6 % de sa dotation budgétaire aux hôpitaux. Or, selon la Fédération hospitalière française, une augmentation inférieure à 3,2 % ne permet pas la simple reconduction de leurs moyens de fonctionnement. Les directions vont donc être de nouveaux incitées à limiter les dépenses en rognant d'abord sur la masse salariale, qui représente en moyenne 70 % du budget. Selon Christophe Prudhomme, de la fédération CGT santé action sociale, entre 15 000 et 20 000 emplois pourraient, de ce fait, prochainement disparaître dans les hôpitaux publics. Sans garantie d'ailleurs que le malade soit vraiment guéri. Car cette nouvelle saignée risque de se produire alors que la santé financière des hôpitaux publics est durablement dégradée. En septembre dernier, le cas du CHU de Caen qui se déclarait en cessation de paiement auprès de ses fournisseurs et des organismes sociaux, afin de pouvoir verser les salaires, a révélé l'ampleur du mal. En novembre, c'est l'hôpital de Juvisy (Essonne) qui va faire parler de lui. Il a contracté un emprunt à dit « toxique » car à 18 % indexé sur le franc suisse, et il lui manquerait 2 millions d'euros pour finir l'année. « Deux hôpitaux sur dix sont en pareil cas », indique Christophe Prudhomme, en citant les exemples de Roanne ou d'Amiens. La CGT réclame à ce sujet « une réponse urgente » amorçant un traitement au long cours, pouvant être un rachat de la dette par un établissement financier public adossé à la Caisse des dépôts et consignations, qui pourrait proposer des crédits d'investissements à un taux inférieur à 1,5 %. Mais, dans l'immédiat, c'est 1,5 milliards d'euros (soit une hausse de 8 % au moins des dotations budgétaires) qu'il faudrait pour remettre à niveau le système hospitalier. Une somme supérieure tombe chaque année dans l'escarcelle du ministère des Finances sous la forme d'une « taxe sur les salaires » des agents hospitaliers ou de TVA sur les investissements. Ce qui est une manière habile de reprendre d'une main ce qu'on donne de l'autre pour financer la Sécu. Mais tout en laissant ouverte la plaie du déficit à l'hôpital, « dont le financement est entièrement à revoir », comme disait pourtant le président de la République en clôturant, le 20 octobre dernier, le 40e Congrès de la Mutualité française. Philippe Jérôme (l'Humanité du mardi 30 octobre)
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