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Mercredi 31 Octobre 2012 :

 

Éditorial

La main et le bras

Par Maurice Ulrich

donnez-leur la main, ils vous prendront le bras… C'est vrai sans doute des crocodiles, mais ça l'est tout autant des 98 grands patrons qui entendent en quelque sorte imposer leur programme politique au gouvernement. Un programme dans lequel Jean-François Copé, vendant en quelque sorte la mèche, pouvait dire dès dimanche qu'il s'y reconnaissait puisque c'était celui de Nicolas Sarkozy.

De ce point de vue, Martine Aubry, s'exprimant d'autant mieux qu'elle n'était plus dès lors première secrétaire du PS, n'avait pas tort de riposter en demandant que chacun si l'on peut dire s'occupe de ses affaires. Ce n'est pas au club du CAC 40 de décider en effet de la politique de la France et l'économie a bon dos quand ils ont l'outrecuidance de présenter leurs solutions ou plutôt leurs désirs ou leurs appétits comme les seuls qui vaillent et comme la bonne marche des choses. Cela quand il s'agit ni plus ni moins que de financer profits et dividendes avec l'argent des Français. Le problème, c'est que la verte réplique de la maire de Lille, c'est toujours de bon ton quand on est dans un congrès, aurait un peu plus de consistance si le gouvernement n'avait pas donné, depuis qu'il est aux affaires, le sentiment qu'il était davantage préoccupé des états d'âme du Medef et du patronat que des attentes de ceux qui l'ont élu. Jean-Marc Ayrault a beau dire et répéter, comme il l'a fait hier en recevant à déjeuner les PDG des cinq grands groupes, qu'il écoute aussi bien les syndicalistes, ces derniers sont loin du compte. Cela va du défilé de 13 ministres à l'université d'été du Medef, ce qui ne s'était même pas vu avec le gouvernement précédent, à la pantalonnade du recul devant le complot des pigeons. Lesquels se disaient plumer parce qu'il était question de taxer la plus-value le de leur entreprise à la revente. Laquelle revente, à seule fin de faire un coup, n'a jamais créé le commencement du début d'un emploi, au contraire.

Le résultat politique de cette affaire, c'est que le patronat, ayant très bien mesuré le sens de ces courbettes et de ce recul, entend pousser l'avantage et obtenir le plus possible. Et que s'est-il passé hier ? Non seulement il y a eu ce déjeuner à Matignon mais le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, croyait bon de répondre aux 98 donneurs de leçons qu'il n'y aurait peut-être pas 60 milliards d'économies sur le budget de l'État, mais 50 milliards. En d'autres termes, cela veut dire que ces messieurs sont servis, bon appétit aurait dit Victor Hugo, et qu'ils sont écoutés.

Au total, il ne faut pas se bercer d'illusions. La droite est à l'offensive et le gouvernement est en difficulté. Jean-François Copé, pour des raisons certes de compétition interne à l'UMP, mais parce qu'il sent aussi le moment propice, a lancé dimanche l'idée, s'il était élu à la tête de son parti le 18 novembre, d'une manifestation contre la politique gouvernementale, tant sur les questions sociétales que contre les lois  « qui pourraient porter atteinte aux intérêts supérieurs de notre pays ». Mais si le gouvernement est en difficulté, ce n'est pas parce qu'il mène à gauche une politique déterminée, en s'appuyant sur l'ensemble de ceux qui l'ont élu, sur les forces du travail et toutes les forces de gauche, y compris celles qui ne sont pas au gouvernement. C'est parce qu'il a donné déjà tant de gages à la droite et au patronat qu'ils veulent tout le bras… pour commencer.

(l'Humanité)

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