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Samedi 27 Octobre 2012 :
Éditorial Toile de fond Par Patrick Apel-Muller L'exercice est un classique. À la veille du congrès du Parti socialiste, la liste est établie des maladresses du premier ministre et on cherche à jauger le charisme du premier secrétaire. Godillots ou pas ? Accessoire ou essentiel ? Soudain, le rôle du parti au gouvernement, détenteur de tous les pouvoirs électifs – l'Élysée, le Parlement, les régions, les départements, les municipalités –, efface toute réflexion sur la politique conduite, sur les contradictions auxquelles elle est soumise, sur les tensions qu'elle suscite. Or, c'est bien de la toile de fond du congrès de Toulouse. Un sondage ViaVoice montre que 62 % des Français refusent de nouveaux efforts imposés au nom de la dette et des déficits publics. Ils sont 67 % des ouvriers et des employés qui n'acceptent pas de perdre du pouvoir d'achat. C'est autour de cet enjeu que se nouent tous les affrontements de la période récente et que montent les mécontentements. Pour la première fois hier, la majorité des syndicats de la SNCF s'est engagée dans une grève pour les rémunérations et contre la précarité de l'emploi qui contamine jusqu'au service public. Le signal vient d'une profession historiquement à gauche. Il ne peut être négligé. L'exercice devient acrobatique et donne lieu à des figures déroutantes. Comment concilier la capitulation sans condition devant les « pigeons » patronaux et la promesse de justice fiscale ? Comment prétendre combattre les licenciements boursiers et baisser pavillon devant les menées de Sanofi ? Comment voler au secours de la banque de PSA sans imposer, en appui des salariés, le refus de licenciements à grande échelle ? Comment justifier un nouveau report du droit de vote des immigrés aux calendes – on n'ose plus dire grecques – ou l'abandon du récépissé des contrôles d'identité ? Jean-Marc Ayrault est effectivement victime de « chroniques quotidiennes de démolition » mais le gouvernement donnerait des verges cinglantes pour se faire battre si le rapport qu'il a commandé à Louis Gallois préconisait la suppression des trente-cinq heures, ou s'il persistait dans le sens d'un choc de compétitivité qui se résume à une baisse des rémunérations des salariés – et notamment de la part des cotisations sociales directement réglées par l'employeur – alourdie par une nouvelle taxation sous forme de CSG ou de TVA… Voilà ce qui affaiblit le nouveau pouvoir plus que telle ou telle gaffe sur la censure d'une loi par le Conseil constitutionnel. C'est dans l'espace laissé par les reculs ministériels que s'engouffrent le patronat et la droite pour réclamer toujours plus d'austérité et des déréglementations plus complètes. Le score plus fort qu'attendu de la candidature d'Emmanuel Maurel au poste de premier secrétaire du Parti socialiste témoigne de l'inquiétude qui gagne des militants socialistes. Les forces syndicales, associatives, ou politiques existent pour animer des mobilisations suffisamment puissantes pour permettre le changement maintenant. Elles existent aussi au sein du parti majoritaire à l'Assemblée. A la veille de ses assises, on est tenté de lui renvoyer la notation d'Éric Satie, musicien génial et militant communiste, en marge de ses partitions : « Munissez-vous de clairvoyance. » (l'Humanité)
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