> Presse —>Réformer d'urgence les aides publiques ! |
Lundi 22 Octobre 2012 :
Chronique Réformer d'urgence les aides public ! Par Jean-Christophe Le Duigou (*) Que faire des aides publiques aux différents secteurs économiques ? Au sens strict de l'analyse budgétaire, les subventions publiques représentent un volume réduit. Elles s'élèvent à moins de 40 milliards d'euros. Mais depuis 30 ans, on assiste à une diversification des formes d'intervention. Les aides fiscales ont explosé et voisinent désormais les 100 milliards d'euros. Les allégements et exonérations de contributions sociales atteignent 70 milliards d'euros. Les collectivités locales, régions en tête, se sont aussi lancées dans l'aventure. La CGT a évalué à plus de 200 milliards d'euros, soit 10 % du PIB, l'ensemble des aides dont bénéficient les secteurs économiques. Les comparaisons internationales sont difficiles. Mais tous les pays, au premier rang desquels les États-Unis, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, aident dans des proportions analogues leurs entreprises. L'inspection générale des finances a montré que beaucoup de ces dispositifs n'atteignaient pas leur but. Gabriel Colletis, un universitaire expert en politique industrielle, estime que « 80 % des aides sont inutiles ». Prenons deux exemples. Les aides à l'emploi devraient favoriser une meilleure adéquation entre la qualification de l'emploi et celle de la personne qui exerce cet emploi. Les aides actuelles ne favorisent pas ce processus, au contraire. Des personnes qualifiées, voire très qualifiées, occupent des emplois de plus faible qualification. Les exonérations de cotisations sociales sur les salaires relativement faibles produisent en réalité des effets pervers importants aussi bien sur la qualité des emplois offerts que sur le type de compétitivité que les entreprises privilégient. La bataille de l'efficacité productive ne sera pourtant gagnée qu'avec des salariés bien formés, employés à des tâches à forte valeur ajoutée. Ces salariés doivent aussi être bien rémunérés. Le crédit d'impôt recherche coûte excessivement cher, près de 4 milliards d'euros. Il doit être repensé. Il convient de le calculer non en fonction des fonds engagés en valeur absolue ce qui favorise les grands groupes et créé un effet d'aubaine, mais en proportion de l'augmentation de l'effort de recherche. Il convient également de changer l'assiette de ce crédit pour prendre en compte toutes les dimensions de l'innovation et non la seule recherche. Il ne s'agit donc pas de condamner toute aide aux entreprises. L'adoption des deux principes pourrait garantir les effets des dispositifs qu'il faut conserver. Il s'agit d'abord d'appliquer les aides à des domaines que l'entreprise néglige structurellement du fait de ses critères de gestion. C'est le cas de la formation, de la qualification, de la recherche et plus globalement de l'emploi pérenne et de qualité. Inciter une entreprise à adopter un comportement qu'elle n'aurait pas eu ou faire des choses qu'elle ne ferait pas, en l'absence de soutien, est justifié. Pour éviter les effets d'aubaine, il faudrait, en matière d'aides à l'emploi, différencier les entreprises qui n'auraient pas créé d'emploi de celles qui en auraient créé de toute façon. En second lieu, le versement des aides doit être assorti d'une véritable démarche de contrôle. L'évaluation a priori des dispositifs n'est pas sérieusement menée. Le contrôle a posteriori est lui quasi inexistant. Rares sont les entreprises qui ont dû rembourser telle ou telle aide parce qu'elles n'avaient pas respecté les prescriptions. L'avantage devient alors un dû, quels que soient les comportements des firmes. Face aux plans sociaux qui se multiplient dans les entreprises, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, laisse entendre qu'il n'a que sa force de conviction pour faire pression. Nul doute que gouvernements et collectivités territoriales pourraient trouver dans la diversité d'aides efficaces et contrôlées les leviers d'intervention qui leur manquent pour inciter à modifier les principaux choix de gestion des entreprises. L'aide ne serait plus allouée à fonds perdus mais serait la contrepartie de l'obtention d'un avantage pour la collectivité. (*) Syndicaliste et économiste. (L'Humanité Dimanche)
|