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Mercredi 17 Octobre 2012 :
Éditorial Les dents longues Par Michel Guilloux A défaut de formules chics, le Medef reste un patronat de choc. Mais comment répéter jusqu'à plus soif le même credo sans passer pour un disque rayé ? En pratiquant la surenchère verbale. Hier, dans le Figaro, la patronne des patrons n'a pas lésiné. « Nous sommes passés d'un avis de tempête à un avis d'ouragan. » Bientôt, la France sera « l'homme malade » de l'Europe. « Un vent de fronde se lève de partout » – enfin parmi les patrons –, qui va « bien au-delà d'une jacquerie fiscale ». Et le pays serait dans un « grand "bordel" intellectuel », parce que les recettes des ci-devant Parisot et consorts ne sont pas populaires… Au printemps dernier, la présidente du Medef agitait la grande peur des têtes coupées sur les piques du Front de gauche. La même trouvait furieusement « ringarde » l'hypothèse qu'elle avançait pour se donner le frisson de voir un revival des années 1980 avec « des ministres communistes » dans un futur gouvernement de gauche si par malheur François Hollande l'emportait. Mais de l'avis de tempête d'hier à l'ouragan d'aujourd'hui, qu'à de nouveau à dire la madone du profit immédiat ? Rien. Ou plutôt si, la même chose, les mêmes recettes, le même disque rayé des appétits égoïstes qui ont conduit le pays là où il est. S'il ne vient à l'idée de personne de nier l'ampleur de la crise, d'une crise sans précédent de ce fait même, que réclame aujourd'hui le Medef qui diffère d'hier ? Rien. Ah si : en octobre 2012, la France a besoin d'un « choc de compétitivité ». Et que réclamait-elle en novembre 2011 ? « Un nouveau pacte fiscal et social pour la compétitivité de la France. » Et quelles mesures adopter ? En octobre-ci comme en novembre dernier, comme en février, comme en avril : augmenter la TVA à 22 % et la CSG en contrepartie d'une diminution conséquente des cotisations sociales alimentant la protection sociale. La même évoquait le bilan « flatteur » de celui qui avait accédé à sa demande d'augmenter l'impôt le plus injuste. En pleine campagne électorale, elle n'avait pas assez de mots pour saluer le « boulot extraordinaire dans des circonstances extraordinaires » effectué par Nicolas Sarkozy. Son poulain a été battu. Le patronat, lui, reste droit dans ses bottes. Et une fois remaquillé au goût du jour, l'argumentaire reste lui aussi à l'identique quant aux diktats. Le programme adopté par le Medef au début de l'année projetait en outre d'augmenter le reste à charge des patients dans les hôpitaux publics, d'aller encore plus loin en 2013 dans la remise en cause du droit à la retraite, de dynamiter de même l'assurance chômage, de passer d'un fonctionnaire sur deux à deux sur trois partant à la retraite et non remplacés, et de saigner le budget de la nation de 50 à 75 milliards d'euros supplémentaires en quatre ans… On comprend que le ton employé, si ce n'est le style à la limite de la vulgarité – telle qu'elle affleure tôt chez les possédants lorsqu'ils sont contrariés –, soit à proportion de devoir composer avec une autre majorité que celle qui était appelée de ses vœux. Et ce n'est pas parce que l'on ne fera « que » 10 milliards d'économies sur les dépenses publiques au lieu des trois à sept fois plus réclamées que l'on calmera les fauteurs de crise. Bien au contraire, on aiguisera leur hargne de classe. Voulu par une majorité de Français, le changement doit prendre les couleurs d'un autre cap, plus décidé. Par exemple sur le terrain de la fiscalité et des recettes nouvelles, comme le réclamait hier le communiste André Chassaigne, au nom du groupe des députés Front de gauche, appelant de ses vœux « une véritable réforme de l'imposition des entreprises, favorisant celles qui créent de l'emploi, investissent dans la recherche, la formation et les salaires, et pénalisant celles qui préfèrent distribuer des dividendes ». (l'Humanité)
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