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Samedi 13 Octobre 2012 :
Événement Le cri d'alarme des économistes critiques ils sont 120 à avoir lancé un appel contre le traité budgétaire européen. Dans leur diversité, ils affirment que « l'avenir de l'Europe mérite un débat démocratique sur les solutions ». Ils soulignent le besoin de réorientation de la BCE. Ne cherchez pas sur vos écrans de télévision, ne tendez pas l'oreille en écoutant la radio. On les entend, on les voit si peu. Ils n'ont pas souvent la parole mais ils viennent de la prendre. Ils sont 120 économistes à avoir signé un appel qui dit non à « l'austérité qui aggrave la crise » et « au traité budgétaire européen ». Et leur texte n'a rien d'une pétition de principe, il est argumenté, s'appuie sur une expertise. Il propose aussi des solutions. « Contrairement à ce que prétendent les économistes libéraux, cette crise n'est pas due à la dette publique », affirment-ils d'emblée dans leur texte (1). Ils montrent que ce traité, auquel François Hollande, contrairement à ses engagements, n'a « apporté aucun changement », est porteur d'une « logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels », engendrera chômage et récession, menaçant « les recettes publiques, ce qui creusera in fine les déficits ». Ensuite, ils pointent le rôle néfaste joué actuellement par la Banque centrale européenne (BCE) qui « impose des politiques d'austérité » aux États, critiquent les récentes mesures prises par le président de la BCE, Mario Draghi, qui conditionne son aide aux pays les plus en difficulté à une fuite en avant austéritaire. Ils proposent de réformer profondément l'action de l'institution. Ils se prononcent pour une véritable relance économique s'appuyant sur « une expansion coordonnée de l'activité, de l'emploi et des services publics », grâce notamment au « financement direct sélectif et à bas taux par les organismes de crédit », et avec un « fonds européen de développement social et écologique, à gestion démocratique ». Ils interpellent l'opinion en affirmant que « l'avenir de l'Europe mérite un débat démocratique sur les solutions de sortie de crise ». Les motivations de départ des signataires sont variées. Pour Esther Jeffers, maître de conférences à l'université Paris-VIII, l'une des 120 signataires, « ce texte, c'est un cri d'alarme. En tant qu'économiste et citoyenne, affirme-t-elle, je me devais d'alerter l'opinion sur ce que les pouvoirs publics s'apprêtent à faire ». « Ce qui m'importait, moi, nous confie Mireille Bruyère, maître de conférences à Toulouse-II, c'est de dénoncer la dérive antidémocratique du traité. Il n'y aura plus de contrôle démocratique des politiques économiques, on ne pourra plus engager de politique budgétaire autonome et on va ainsi hypothéquer l'avenir. » « Une levée de boucliers des économistes critiques » Guillaume Étievant, expert économique auprès des comités d'entreprise, signataires lui aussi, et par ailleurs membre du Parti de gauche, constate « une levée de boucliers sans précédent des économistes critiques ». « Il faut dire, ajoute-t-il, que le traité va beaucoup plus loin que les précédents, il est à la fois une aberration économique et un scandale démocratique complet. » Il note une « évolution » chez les économistes alternatifs. Vient chez eux le besoin « d'avoir une parole commune malgré des différences et même des désaccords importants ». L'économiste communiste Frédéric Boccara, signataire de l'appel en tant que maître de conférences associé à Paris-VIII, fait remarquer que nombre de signataires lui ont dit : « Je signe ce texte parce que ce sont des individus et pas des organisations qui le produisent. » En même temps, il situe cet appel dans le contexte nouveau de la campagne du Front de gauche, des renoncements du Parti socialiste et aussi de l'apport des idées nouvelles, notamment des économistes communistes, sur la BCE, le rôle nouveau que pourrait jouer la politique du crédit… L'appel poursuit sans aucun doute un mouvement de maturation de la pensée économique, marquée par la création de réseaux, tel celui des Économistes atterrés où des économistes différents échangent et prennent des positions publiques. Est-il appelé à faire boule de neige ? Pour Sandrine Michel, maître de conférences à Montpellier-I, l'échec des politiques d'austérité « ouvre des plages de discussions » avec bien d'autres économistes. Pierre Ivorra (1) Lire l'intégralité de l'appel et ses signataires sur le site Internet de l'Humanité. (l'Humanité)
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