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Samedi 13 Octobre 2012 :
Éditorial Insister Par Michel Guilloux L'austérité imposée par le traité budgétaire européen est « une aberration économique et un scandale démocratique complet », résume l'un des signataires de l'appel lancé par des économistes critiques qui sont fort peu convoqués sur les plateaux télé pour des débats contradictoires. « Les mesures d'austérité ne donnent pas les résultats espérés. Si l'endettement peut être réduit, c'est par la croissance et la création d'emplois », insiste pour sa part le Britanniques Guy Rider, directeur général de l'Organisation internationale du travail. « On est en train de refaire les erreurs commises dans d'autres régions du monde par les politiques d'ajustement structurel dans les années 1980 et 1190 », avertit-il. Et pendant ce temps, le Medef lance ses troupes à l'offensive du budget 2013 pour obliger la nouvelle majorité à revenir sur les 10 milliards de recettes prévues issues du capital. Qu'y a-t-il de commun entre un serrurier de l'Allier, une ouvrière d'Angers et un chercheur montpelliérain ? Le premier travail à Avermes, et plus de la moitié de ses collègues sur près de deux cents sont menacés de chômage et le site devrait « déménager » vers un autre, dans l'Aube. Pour « sauvegarder la compétitivité ». La deuxième a appris hier la fermeture de son usine, plus de trois cents personnes jetées à la rue. Parce que le site ne serait plus « compétitif ». Le dernier devrait être soulagé par l'annonce d'un ministre reprenant quinze jours plus tard le même chiffre de suppressions de postes que celui sur lequel table la direction d'une multinationale de la pharmacie en quête de « compétitivité ». À y regarder de plus près, on constate que, dans le premier cas, la « petite » entreprise JPM est propriété d'une multinationale leader mondial du secteur, qui mise sur la croissance extrême, d'un côté, la casse de l'emploi, de l'autre, pour assurer une croissance à deux chiffres de ses bénéfices – plus de 700 millions d'euros en 2011 – et de 13 % du dividende versé à ses actionnaires. Dans le second cas, Technicolor ferme un site mais a pu organiser la délocalisation hors de l'Union européenne de la production, revenant sur le territoire exempté de droits de douane de 14 %, avec la bénédiction de la Commission européenne… et a touché de l'État 22 millions d'euros de crédit impôt recherche. Quant à Sanofi, ses profits explosent – 23 milliards d'euros sur les trois dernières années –, l'emploi est massacré, la recherche sacrifiée et, là encore, le groupe a touché 130 millions de crédit impôt recherche… Et chacun de ces salariés, dont le travail est la source du profit de ces groupes, devrait accepter de se serrer doublement la ceinture, en perdant son emploi et en qualité de services publics pour cause de « sérieux » budgétaire… Quand il est actionnaire, quand il subventionne, quand ses lois peuvent être votées grâce aux majorités dont il dispose au Parlement, l'État peut intervenir. Et peut-être faut-il l'y aider afin qu'il ne se retrouve pas seul face aux diktats de Mme Parisot et ses amis qui sacrifient le travail vivant et les ressources de l'industrie sur l'autel de la seule rentabilité financière… « L'urgence est de voter de réelles mesures anti-licenciements, de nouveaux droits pour les salariés et une stratégie nationale industrielle », revendique le PCF dans un communiqué, après le scandale du sacrifice de l'usine Technicolor d'Angers qui vient s'ajouter à une longue liste. Une autre logique économique et sociale est nécessaire en France si l'on veut peser sur une réorientation européenne dans le sens du progrès social. Des économistes critiques à l'ouvrier d'Avermes, en passant par l'ingénieur toulousain, l'idée commence à insister. (l'Humanité)
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