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Jeudi 11 Octobre 2012 :
Éditorial Les colombes cachaient des rapaces Par Patrick Apel-Muller Ils ont des serres puissantes : quand ils tiennent une plus-value, ils ne lâchent pas. Ils ont des becs acérés pour déchiqueter l'emploi dans les entreprises et les rendre plus profitables en Bourse. Ils fondent en prédateurs sur les sociétés qui les intéressent, les assomment de restructurations et les abandonnent pantelantes quand d'autres proies se profilent. Drôles de pigeons ! La farce médiatique des passionnés d'informatique a vécu et se profilent désormais, derrière les perles de candeur à leurs yeux, des océans de précarité sur lesquels voguent le Medef et la CGPME. Toute la flottille patronale a levé les sabords et veut canonner l'hypothèse d'une réforme fiscale plus juste. Un récent épisode leur a donné de l'assurance. Avant la moindre escarmouche, le ministre de l'Économie a battu en retraite et renoncé à accroître la taxation des plus-values réalisées à la revente des entreprises en l'alignant sur la fiscalité du travail. Les géants du CAC 40 qui pilotent la manœuvre se réjouissent. Ils récolteront le gros du butin, ici en se délestant d'une société de distribution, là en cédant à prix d'or une chaîne de télévision, ailleurs en vendant à la découpe un fleuron de notre économie. L'appétit vient en mangeant. Le leur est insatiable. Le grand patronat active son réseau d'influences – journalistes apprivoisés, experts sélectionnés, politiciens dévoués – pour réaliser un formidable casse sur le portefeuille des salariés. Le premier fric-frac est sémantique : il s'agit de remplacer le terme cotisations sociales par celui de charges sociales. Le second est plus sérieux : il s'agit tout simplement de supprimer ces cotisations qui constituent une part (indirecte) de la rémunération des salariés. C'est en fait une colossale baisse de salaire. Mais, comme il faut bien abonder les comptes sociaux, deux pistes sont évoquées pour faire payer les salariés – les pauvres ne sont-ils pas les plus nombreux ? Une hausse de la CSG directement prélevée à la source ou une augmentation de la TVA qui frapperait les salariés en tant que consommateurs. Bref, ce que les salariés perdraient d'un côté, il faudrait qu'ils le paient une deuxième fois. L'opération ici confine, selon qu'on se situe d'un côté ou de l'autre, au grand art ou au pillage pur et simple. Tout cela est pudiquement baptisé « choc de compétitivité », celui-ci comporte un autre volet, le démantèlement des protections sociales pour instaurer une flexibilité généralisée. Le dossier est mis sur la table, ces jours-ci, des négociations avec les organisations syndicales qui, elles, réclament une sécurisation de l'emploi. Il est donc insupportable de voir la SNCF expérimenter des dispositifs de déréglementation et introduire au cœur de l'emploi public les virus cultivés par le Medef. C'est dire que l'offensive déclenchée par le patronat sous le précédent quinquennat ne s'est pas éteinte avec la défaite de son protecteur, Nicolas Sarkozy. Avec l'adoption du traité budgétaire dont s'est félicitée la première Laurence Parisot, une nouvelle étape a été franchie. Le besoin de bloquer cette vague de régression sociale est désormais impérieux, comme l'est celui d'imaginer un autre avenir. (l'Humanité)
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