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Vendredi 5 Octobre 2012 :

 

Éditorial

En mode majeur

Par Paule Masson

depuis quelque temps, le patronat s'exerce, avec un certain succès il faut l'avouer, à l'art de la répétition. Tel le perroquet sur son perchoir qui, quelle que soit la question posée, siffle la même réponse, les cercles dirigeants répètent en boucle le même refrain : pour maintenir la France dans le peloton de tête des pays développés, il faut créer un « choc de compétitivité ». La droite n'est pas la dernière à vénérer ce nouveau Graal. Elle en rajoute même, Jean-François Copé déclarant hier que l'UMP veut « accompagner » la « jacquerie » des patrons contre un gouvernement jugé « anti-entrepreneur, anti-activité, anti-croissance ». Assurance maladie, retraite, politique familiale, ou assurance chômage ne sont pas les seuls piliers du modèle social concernés par cet œuvre de destruction. Voilà pourquoi la négociation sur la sécurisation de l'emploi entre les syndicats et le patronat, qui entre aujourd'hui dans le vif du sujet, est déterminante. Laurence Parisot évoque une « négociation majeure ».

Sur ce point, nous sommes d'accord. Sur ce point seulement.

Car la présidente du Medef intègre, dans son vénéré choc de compétitivité, un autre objectif, tout aussi glaçant : franchir « un pas très significatif vers la flexisécurité ». Dans sa vision, il s'agit de flexibiliser le travail, de sécuriser les procédures pour les entreprises, notamment celles du licenciement que le Medef veut rendre plus facile, plus rapide et à moindre coût. En juillet, lors de la conférence sociale, la patronne des patrons avait menacé de boycotter la négociation si n'y figurait pas une extension de flexibilité. Pourtant, depuis trente ans, aucune des nombreuses étapes de précarisation du travail (CDD, intérim, temps partiel, etc.) ne s'est traduite par une baisse significative du chômage.

La lettre de cadrage du gouvernement affirme vouloir remettre le CDI au cœur du débat, qu'il redevienne la forme normale d'embauche. On ne peut que souscrire à l'objectif. Le CDI doit alors garder les protections qui l'entourent, ou tout du moins en développer de nouvelles. On ne se souvient que trop bien de l'entourloupe Villepin, qui, avec le contrat première embauche, voulait vendre aux jeunes un CDI ultra-précaire, facile à rompre, sans indemnités au cours des deux premières années. Si la notion de flexibilité est mal perçue en France, c'est qu'elle correspond toujours à une mise en insécurité du salarié.

Au nom de quoi cette réalité pourrait être effacée d'un coup de baguette magique ? François Hollande évoque son souhait que se dégage de cette négociation un « compromis historique », un équilibre « gagnant-gagnant » entre flexibilité et sécurité. Que comprendre de ce glissement de langage qui gomme les fondations du Code du travail ? Depuis plus de cent ans, tout notre droit social s'est construit sur l'idée que le travailleur n'est pas l'égal de l'employeur et qu'il doit bénéficier de garanties sociales qui le protègent dans sa relation de dépendance. Le schéma est-il à repenser ? Sûrement pas dans son principe à l'heure où les actionnaires détiennent tant de pouvoirs. Mais il peut beaucoup évoluer si s'ouvre enfin sérieusement le vaste chantier de la sécurisation de l'emploi. L'enjeu pour les syndicats, même s'ils n'en ont pas tous la même définition, va être d'imposer la thématique dans la négociation. Et de convaincre que la conquête de nouveaux droits pourrait créer un véritable choc,  positif celui-là, un choc de confiance, seul vrai remède pour la relance de la croissance.

(l'Humanité)

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