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Lundi 1er Octobre 2012 :

 

Chronique

Grèce : face a l'inexorable descente aux enfers

Par Jean-Christophe Leduigou (1)

Colère et désespérance du peuple grec se mêlent. Une nouvelle grève générale l'a encore montré cette semaine. La désespérance gagne du terrain parce que l'austérité imposée aboutit non à résoudre la crise mais à en éloigner l'issue. La colère se manifeste toujours parce que les sacrifices demandés sont plus insupportables que jamais. Le peuple grec est dans la situation de Sisyphe voyant le rocher dévaler vers ce monde inférieur d'où il faudra le remonter. Comment supporter, dans ces conditions, le fardeau de la dette ? Les dernières données économiques qui portent sur le premier semestre 2012 démontrent une situation qui est loin de s'améliorer. L'effondrement du produit intérieur brut grec est vertigineux. Après un recul de 7 % en 2011, la chute de l'activité serait à nouveau de 7 % sur l'ensemble de l'année 2012. Au total, depuis le début de la crise, la richesse produite a été réduite d'un quart. Le pays se dévitalise. La consommation est en recul, signe que les Grecs taillent dans leurs dépenses. Avec un taux de chômage qui atteint 25 % de la population active, la consommation des ménages a reculé de 8 %. Les dépenses publiques ont, elles, régressé de 4 %. L'investissement des entreprises a chuté de près de 20 % selon les dernières données. Le timide redressement de la balance commerciale ne s'explique que de l'effondrement des importations. Les exportations reculent de plus de 4 %.

L'horizon est bouché. Dans son dernier rapport sur la Grèce, la Commission européenne prévoit le retour à la croissance pour 2014. Plus prudent, le Centre grec de planification économique, le KEPE, qui dépend du ministère du Développement, ne voit pas de retour à la croissance avant 2015, au mieux. Si le pays doit adopter, comme l'exigent ses créanciers de la Grèce, l'UE et le FMI, de nouvelles mesures d'économies d'ici à 2014, la perspective de retour à la croissance s'éloignerait même un peu plus.

En réalité, la crédibilité du plan de redressement est voisine de zéro, y compris au sein de la fameuse « troïka ». L'Union européenne, le FMI et la BCE semblent estimer que les objectifs de réduction d'endettement fixés à Athènes ne sont plus atteignables. Curieusement, cela ne les amène pas à changer de politique.

« Ils n'y croient plus » écrivait, il y a quelques jours, le grand quotidien économique allemand «Handelsblatt ». Jusqu'à maintenant, les créanciers partaient du principe que la Grèce allait retrouver un niveau soutenable d'endettement d'ici à 2020. « Ce but n'est plus atteignable », écrit le journal, citant des sources proches de la

« troïka » représentant les créanciers, le FMI et la Commission européenne. « Les conditions fixées au deuxième plan d'aide à la Grèce, soit 130 milliards d'euros de crédits, auxquels s'ajoutaient 70 milliards d'abandon de créances par les créanciers privés, sont, de ce fait, caduques », poursuivait le journal.

Ce plan prévoyait que le taux d'endettement de la Grèce baisse de 160 % à 120 % du PIB, au plus tard en 2020, ce qui était considéré comme un taux élevé mais « soutenable » pour un pays européen. Mais atteindre ce taux n'était possible que si Athènes affichait un excédent budgétaire, hors remboursement de la dette, de 4,5 % du PIB dès 2014. Ce ne sera pas le cas.

Aussi la Grèce négocie-t-elle actuellement avec les autorités de la zone euro un délai pour mettre en place son ajustement. Les pays les plus réticents, à l'instar de l'Allemagne, craignent cependant d'avoir à majorer leur contribution au plan de sauvetage. La contrepartie serait un nouveau tour de vis de 11 milliards d'euros que le gouvernement grec finalise. Il est présenté comme la condition préalable au déblocage, pour le pays au bord de la cessation de paiement, d'une nouvelle tranche d'aide européenne.

La leçon économique est pourtant claire : allonger les délais d'un plan qui ne marche pas ne servira à rien si l'on ne change pas le contenu de la politique d'austérité !

(L'Humanité Dimanche)

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