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Dimanche 23 Septembre 2012 :

 

Que vaut la formule redressement-

changement ?

Par Jean-Christophe Le Duigou (1)

Alors que le seuil des 3 millions de demandeurs d'emploi a été franchi, François Hollande entend « accélérer la bataille contre le chômage qui est engagée ». Il n'a pas tort sur la gravité du constat. La situation est plus que préoccupante. L'UNEDIC durcit ses prévisions pour 2012 et 2013. L'INSEE, qui n'a pas publié de prévisions pour 2013, anticipe une montée du taux de chômage qui atteindrait 10,3 % fin 2012. C'est pourquoi, après 15 mois de hausse sans interruption, l'engagement pris, à la télévision, par le président, devant 10 millions de téléspectateurs. « d'inverser la courbe du chômage d'ici un an » n'est pas crédible.

Première question : l'objectif du président est-il réaliste, compte tenu des prévisions de croissance pour 2013 ? Ces dernières viennent d'être rectifiées à la baisse : 0,8 %, contre les 1,2% escompté. Ce qui reste optimiste, compte tenu du contexte européen. À ce rythme le secteur privé détruira 50 000 à 75 000 emplois en 2013. Et le double si l'économie stagne. Les experts convergent dans leurs analyses. Pour stabiliser le chômage, une croissance annuelle de 1 % est nécessaire. Pour le réduire, il faudrait entre 1,5 % et 2 %. Il ne suffit pas en effet de maintenir le nombre d'emplois existants. Rappelons que 150 000 personnes arrivent chaque année sur le marché du travail du fait de la démographie. Seconde question : les mesures d'accompagnement social annoncées pour 2013 pourront-elles stabiliser le nombre de sans-emploi ? Avec les contrats d'avenir, 100 000 emplois parapublics pour 2013, tout au plus aura-t-on fait un tiers du chemin. C'est un dispositif conjoncturel qui aura d'autant moins d'effet sur le chômage structurel qu'il compense une réduction effective de l'emploi public.

Les contrats de génération, destinés à soutenir la création d'emploi dans le privé, auront un effet très limité. Ce projet intéressant a vu se portée réduite depuis que le gouvernement a renoncé à supprimer les allégements de charges Fillon pour le financer. Les grandes entreprises sont simplement appelées à définir un projet en la matière. Pour les autres, les effets d'aubaine réduiront la portée de la mesure. « Si ça fonctionne », les créations net d'emploi « ne dépasseront pas 50 000 emplois en année pleine », estime le principal institut de conjoncture indépendants, l'OFCE.

Au final, si le gouvernement maintient un haut niveau d'emplois aidés dans le secteur non marchand, il pourra au mieux diviser par deux la croissance du nombre de chômeurs mais pas « inverser la tendance », comme s'y est engagé le président. La conclusion est claire : il est impossible de commencer à réduire le chômage sans croissance.

La contradiction de la politique gouvernementale est alors patente. En découpant son quinquennat en deux périodes, la première celle du « redressement », la seconde celle du « changement », le président créé les conditions pour que le « redressement » n'arrive jamais et que le « changement » soit renvoyé à plus tard. Ce découpage fait songer au changement de politique économique de François Mitterrand en 1984 sous l'appellation de « parenthèse de la rigueur », parenthèse qui ne s'est jamais refermée. Il est symptomatique que les seules réformes structurelles évoquées dans le discours présidentiel soient celles du marché du travail et du financement de la protection sociale. L'exigence de flexibilité est réservée aux salariés. Le capital sauve ses privilèges. On va certes créer la Banque publique d'investissement, mais les règles financières restent pour l'essentiel les mêmes. Les actionnaires continueront à dicter leur loi, le chômage ne baissera pas ! Aucune embellie ne peut être escomptée dans les mois qui viennent sans un changement radical de politique économique.

(1) Économiste et syndicaliste.

(L'Humanité Dimanche)

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