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Jeudi 20 Septembre 2012 :
Éditorial Le paradis des rentiers Par Paule Masson « Les années apportent l’expérience aux esprits sincères », disait Lamartine. Depuis 1992 et l’adoption en France, à un fil, du traité de Maastricht, plus le temps passe et moins l’Europe est populaire. Que ce soit sur le bilan l’euro, sur de nombreuses directives européennes (Bolkestein par exemple) ou sur les « réponses » à la crise… le solde d’expérience est négatif. Aujourd’hui, 64 % des Français voteraient contre Maastricht. En 2005, près de 55 % ont voté non au référendum sur le traité constitutionnel européen. Le rejet du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), dont le texte qui traduit la règle d’or budgétaire dans le droit français est examiné ce matin en Conseil des ministres, s’affirme de plus en plus fort. C’est ce qui s’appelle avoir de la constance. L’Europe est aujourd’hui perçue comme un étau d’austérité qui se resserre sur les peuples. Les forces du courant antilibéral, qui appellent à manifester le 30 septembre, militent pour replacer l’humain au centre de sa construction politique et engager une vraie renégociation du traité. Mais ce sentiment d’écrasement exacerbe aussi le repli identitaire qui fait le lit du Front national. Dans le projet de loi présenté au Conseil des ministres, le corset budgétaire enserre toutes les dépenses publiques, y compris les dépenses sociales comme celles de l’assurance maladie. Il étouffe dans l’œuf toute velléité de dépenser de l’argent utilement pour relancer la croissance, par exemple, en programmant des investissements publics, donc de l’endettement de long terme, dans la transition énergétique. Ce traité provoque du rififi à gauche. Comment pourrait-il en être autrement ? Le Front de gauche a réitéré hier lors de ses journées parlementaires son appel à ne pas le ratifier. Et à manifester. Du coté d’Europe Écologie-les-Verts, la tentation du non promet un débat vif dimanche lors du conseil fédéral du mouvement écologiste. Le gouvernement doit multiplier les appels à la discipline dans les rangs socialistes pour convaincre de voter. Des voix vont pourtant manquer. Résultat, ce traité d’austérité pourrait devoir son adoption à l’Assemblée nationale, majoritairement à gauche, au concours des voix de la droite, enthousiastes de voir adopter un texte négocié et signé par Nicolas Sarkozy. De traité en traité, l’Europe devient le paradis des rentiers. Le capital y circule sans entrave, fructifie, se filialise, se place en spéculation et se cache pour échapper à l’impôt. Les riches, surtout les riches français, y ont déniché un petit paradis fiscal : la Belgique. Ainsi apprend-on, grâce aux révélations du Parti du travail de Belgique qui a mené l’enquête, que notre champion du luxe, Bernard Arnault, ultra-riche PDG de LVMH, aurait déplacé jusqu’à 16 milliards d’euros d’actifs financiers dans le Plat Pays pour échapper à l’impôt en France. Les Français sont choqués. Les Belges aussi puisqu’ils sont allés jusqu’à manifester samedi à l’appel du syndicat FGTB pour que les revenus financiers soient taxés à la même hauteur que les revenus du travail, de l’ordre de 28 %. Les patrons sans frontières se plaignent d’être mal aimés, ils en serait autrement s’ils assumaient leurs responsabilités sociales et partageaient mieux le pactole. Mais, non, ils s’exilent. Bernard Arnaud a demandé la nationalité belge et vient d’acheter un appartement cossu à Uccle, commune huppée proche de Bruxelles, avec, comme proche voisin, la famille Taittinger. (l'Humanité)
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