> Presse —>Quand c'est flou, il y a un loup ! |
Dimanche 9 Septembre 2012 :
Chronique Quand c'est flou, il y a un loup ! Par Francis Wurtz (1) Dur, dur de vendre au « peuple de gauche » un traité budgétaire visant à instituer un régime d'austérité durable et retirant au Parlement comme aux citoyens un pan majeur de leur souveraineté ! Les dirigeants socialistes viennent d'en faire l'amère expérience lors de la récente université d'été de leur parti où une sénatrice récalcitrante, Marie-Noëlle Lienemann, a été ovationnée en expliquant les raisons de son rejet de ce texte. L'argument d'autorité de la direction du parti (la solidarité gouvernementale) est, certes, efficace vis-à-vis des ministres. La preuve : un certain nombre d'entre eux avaient milité pour le « non de gauche » au traité constitutionnel en 2005 (Fabius, Montebourg, Peillon, Hamon, etc., jusqu'à l'actuel ministre des affaires européennes, Cazeneuve !). Aujourd'hui, ils assument comme un seul homme le choix de leur président. « Personne n'a été obligé d'entrer au gouvernement », avait prévenu Jean-Marc Ayrault. Imperturbable. Par ailleurs, l'appel à la « responsabilité » (ne pas affaiblir François Hollande face a Angela Merkel) n'est sans doute pas sans effet sur des parlementaires, largement acquis à la stratégie européenne de l'Élysée. Convaincre les adhérents, à plus forte raison les électeurs, du PS, que « le changement » passe par l'alignement sur les exigences des marchés financiers et sur la vision restrictive et autoritaire de la chancelière allemande est une autre paire de manches. D'autant que la Confédération européenne des syndicats (la CES, longtemps réputée plutôt modérée sur les enjeux européens) s'oppose, elle, frontalement à ce traité – ce qui ne s'était encore jamais produit dans le passé ! Face à ce problème politique non négligeable, la ligne adoptée par les dirigeants socialistes révèle de leur part un certain désarroi. Pour Moscovici, foin des états d'âme : « François Hollande s'était engagé à une réorientation de la construction européenne. Tout le monde, y compris à gauche, doit comprendre que celle-ci a eu lieu », affirme-t-il sans sourciller. Manifestement, hormis lui-même, personne ne s'en était aperçu ! Pas même Jean-Marc Ayrault, pour qui « ce traité est une première étape (…) On ne doit pas s'en contenter ». Mais une étape vers quoi, au juste ? Vers un nouveau saut dans la centralisation (libérale) du pouvoir économique et financier destiné à verrouiller le système ? Un rapport en ce sens doit être discuté à Bruxelles dès octobre prochain ? Qu'en pense le PS ? Vers quel autre avenir européen ce traité budgétaire est-il censé nous conduire ? La réponse de la première secrétaire est un peu vague. Elle évoque « l'Europe dont nous rêvons » pour demain, à condition d'entériner le traité budgétaire maintenant : « C'est au nom des avancées que nous voulons pour le futur qui il nous faut acter ce premier pas » ose-t-elle ! Cela rappellera quelque chose à certains d'entre nous ! En 1992, face à la montée du non au traité de Maastricht, Jacques Delors avait lancé son fameux : « Votez oui et on se remettra au travail tout de suite sur l'Europe sociale ! » Les choses ne se sont pas tout à fait passées ainsi... Faut-il être à court d'arguments pour oser ressortir aujourd'hui pareilles calembredaines ! La gauche a besoin d'une clarté cristalline pour affronter les obstacles qui se dressent sur la voie du changement. Là où règne l'ambiguïté se cache un piège. Comme disait, paraît-il, la grand-mère de Martine Aubry : « Si c'est flou, c'est qu'il y a un loup ! » Amis socialistes, qu'en pensez-vous ? (1) Député honoraire du Parlement européen. (L'Humanité Dimanche)
|