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Dimanche 2 Septembre 2012 :

 

Pierre Laurent : « Nous avons les mains dans le cambouis »

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, qui publie à la rentrée « Maintenant prenez le pouvoir », revient pour « l'HD » sur les enseignements de l'année écoulée et expose ses convictions sur le rôle de son parti et du Front de gauche dans la nouvelle période politique.

HD. Dans votre ouvrage, vous évoquez « les promesses de la Bastille ». Quelles sont-elles ?

Pierre Laurent. La campagne du Front de gauche a été un moment d'investissement populaire en politique assez exceptionnel. Tous les espoirs nés alors peuvent être des ferments de mobilisation populaire et devenir extrêmement utiles pour donner de la force à ceux qui veulent réussir une politique de changement. Les forces qui ont cherché jusqu'au bout à faire gagner Nicolas Sarkozy sont ultra-mobilisées : le MEDEF, la droite et tous les privilégiés qui ont bénéficié de sa politique. La politique du gouvernement, comme nous l'avions averti, ne s'annonce pas à la hauteur de la situation pour ouvrir la porte au changement. Tout va se jouer dans la capacité du mouvement populaire à pousser les propositions politiques de changement.

HD. Selon vous, le Parti communiste est « à nouveau en phase avec le moment historique ». Que voulez-vous dire ?

P. L. En 2008, nous avons fait un double pari : sur l'avenir du Parti communiste et sur notre capacité à animer une nouvelle dynamique de rassemblement : celle du Front de gauche. Nous avons pris cette initiative politique à un changement d'époque : 20 ans après l'effondrement du bloc soviétique et après 20 ans d'offensive ultralibérale, une crise majeure et durable du capitalisme s'est enclenchée. Avec la question écologique et celle du devenir de la planète, se pose à nouveau la question du sens même de l'activité humaine. Les options fondamentales de dépassement des logiques capitalistes, de domination, qui sont le coeur du combat communiste, reprennent toute leur actualité. Je crois donc à une nouvelle opportunité politique pour un PCF transformé. Le prochain congrès qui aura lieu début février 2013 doit marquer une nouvelle étape de maturation de ses transformations.

HD. Benoît Hamon, ministre socialiste, appelle toute la gauche à « mettre les mains dans le cambouis », que lui répondez-vous ?

P. L. Nous avons les mains dans le cambouis. Nous avons mené pendant une année un travail de combat contre les idées rétrogrades de la droite et de l'extrême droite. Nous avons rendu l'espoir à des gens qui l'avaient perdu et ainsi rendu possible la victoire de la gauche. Notre disponibilité à prendre toutes les responsabilités, y compris gouvernementales, était totale. Le rapport de forces qui s'est dégagé les élections a permis à François Hollande d'imposer ses seuls engagements présidentiels. Nous n'avons donc pas voulu nous lier les mains alors que nous pensons que cette politique est insuffisante pour sortir le pays de la crise et répondre aux urgences sociales. Mais nous sommes chaque jour au travail : au Parlement, dans les communes, dans les entreprises, pour faire des propositions de changement qui peuvent être votées à tout moment par le Parlement : des mesures anti-licenciements immédiates, une loi majeure pour des nouveaux droits et pouvoirs des salariés, ou encore sur la politique industrielle, la politique de transition écologique, des grands projets de services publics qui peuvent être extrêmement créateurs d'emplois. Il y a déjà sur la table beaucoup de propositions du Front de gauche et nous allons intensifier ce travail dans des ateliers législatifs ouverts à tous pour qu'elles soient portées par ceux qui ont voulu le changement.

HD. L'obtention d'un référendum sur le nouveau traité européen sera-t-elle votre objectif principal en cette rentrée politique ?

P. L. La crise des marchés financiers dans la zone euro n'a jamais été résolue par aucun sommet européen, pas plus celui de juin dernier avec François Hollande que les précédents. La recette qui consiste à renflouer les marchés et les banques et faire payer l'addition par des cures d'austérité est une recette empoisonnée qui mène toute l'Europe à la catastrophe. François Hollande avait promis une renégociation du pacte budgétaire négocié par Sarkozy et Merkel, qui n'a pas eu lieu. Ce serait donc une erreur majeure pour les parlementaires de gauche de le ratifier. Le meilleur service que l'on puisse rendre à une politique de changement est de tourner le dos à ce pacte et d'engager la refondation d'une nouvelle politique européenne de solidarité. Le Front de gauche lance dans tout le pays une campagne d'information, d'explication sur la réalité de ce pacte budgétaire. Nous voulons construire le rassemblement le plus large possible : FG, socialistes, écologistes, ATTAC, syndicalistes, européens...

HD. Le Front de gauche appelle-t-il à des mobilisations sociales ?

P. L. Le Front de gauche ne peut pas être une force qui égrène le compte à rebours des échecs du changement. J'appelle, au contraire, à ce que les deux années qui viennent soient celles de la mobilisation et des conquêtes sociales, pas par esprit d'opposition mais pour faire réussir une politique de changement qui, sans cette mobilisation, trouvera sur sa route la droite, le MEDEF et les forces du capital qui refusent le changement nécessaire.

Entretien réalisé par Cédric Clérin

(L'Humanité Dimanche)

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