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Samedi 1er Septembre 2012 :

 

Éditorial

L'Élysée à l'heure du thé

Par Patrick Apel-Muller

C'est déjà un succès. La réception des Fralib à l'Élysée, aujourd'hui, est le fruit de mois et de mois de luttes, d'expertises économiques, d'échanges avec la population et les élus. Leur démonstration de la viabilité de leur entreprise et leur revendication de récupérer la marque de thés l'Éléphant que la direction de leur groupe veut tuer ont fait mouche. À tel point que le PDG d'Unilever, faute d'avoir pu réduire la résistance de ces irréductibles salariés, s'est fendu d'un entretien dans le Figaro pour menacer la France de rétorsions si son gouvernement ne cède pas à son chantage. Las, les faits s'entêtent à contredire celui qui n'est plus le tout-puissant M. Polman. L'argent d'abord, dit-il ? Parlons-en ! L'usine de Gémenos est rentable et le groupe a réalisé 4,5 milliards d'euros de bénéfices lors de son dernier exercice. Des surcapacités de production ? Pas du tout ! Unilever vient d'acheter 30 nouvelles machines installées en Pologne où il délocalise, - en les remaquillant ensuite comme originaires de l'usine française, semble-t-il -, des productions. En fait, cette décision patronale semble inspirée par la volonté de tuer une marque française au profit de Lipton, étendard du groupe dans ce domaine, et de chercher la main-d'oeuvre la plus faiblement rémunérée.

Devant cet acharnement, les 182 salariés auraient pu baisser les bras, plier devant la milice patronale dépêchée le 7 novembre dernier pour interdire l'entrée de l'usine aux délégués du personnel, renoncer devant les atermoiements du gouvernement Fillon, se décourager après les coups fourrés. Ils ont au contraire élaboré un projet économique solide, recherché des repreneurs puis imaginé une Scop, envoyé des représentants au Vietnam pour trouver des fournisseurs... Faut-il preuve plus criante que ce n'est pas à la tête des multinationales mais derrière les machines et les ordinateurs qu'on trouve les acteurs de l'industrie les plus sérieux et les plus passionnés ?

Que les représentants du président rencontrent les délégués de l'usine et se préparent à une sérieuse séance de travail sur les solutions avancées marque un changement de ton des pouvoirs publics après un changement de têtes dans les ministères. Désormais, il faut que les déclarations d'attention se muent en décisions. Il faut aussi qu'une commune résolution soit adoptée à gauche pour instaurer la réquisition des marques et des usines rentables quand des groupes aux sombres visées spéculatives veulent les liquider, qu'une loi soit votée contre les licenciements boursiers, qu'une grande politique industrielle soit enfin mise en oeuvre pour reconquérir des emplois productifs qualifiés, innover et répondre aux besoins d'avenir. Pour cela, l'électorat de gauche, les syndicalistes, l'opinion sont prêts à se mobiliser. Cela pousserait un gouvernement qu'on sent en quelque sorte ligoté par la peur de fâcher Mme Parisot et M. Barroso. La Fête de l'Humanité sera l'occasion de mettre sur la table ces enjeux et d'en débattre avec les salariés, les syndicalistes, les élus et les ministres. C'est désormais dans quinze jours. Prenons rendez-vous.

(l'Humanité)

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