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Vendredi 31 Août 2012 :
Éditorial Hara-kiri Par Paule Masson Jean-Marc Ayrault minimise l'événement, mais un premier ministre de gauche qui ouvre l'université d'été du Medef, c'est une première. S'afficher avec le patronat dans une rentrée marquée par une hémorragie de licenciements ne passe pas inaperçu. Le premier ministre « (s)'étonne de l'étonnement » de certains, considérant sans doute que dialoguer avec les chefs d'entreprise fait partie des prérogatives « normales » de tout gouvernement. Certes. Mais rien n'est jamais totalement anodin en politique. Et la portée symbolique de ce choix tient aussi au fait qu'il n'est pas le seul représentant du gouvernement à fouler l'herbe du campus HEC de Jouy-en-Josas : une dizaine de ministres font le déplacement. « Je tiens le même discours pour les chefs d'entreprise que pour les salariés », se défend Jean-Marc Ayrault, manière de dire que la gauche au pouvoir ne varie pas de ses objectifs, que, dans le paquet fiscal de la rentrée, continue de figurer l'alourdissement de l'ISF, la fiscalisation du capital au même niveau que le travail ou encore la taxation des hauts revenus supérieurs à 1 million d'euros à 75 %, mesures combattues par le Medef. Mais le message « de confiance » adressé par le premier ministre aux patrons est, c'est le moins que l'on puisse dire, assez loin de la thématique de campagne si chère à François Hollande : « Mon adversaire, c'est la finance.» La finance... Ces banquiers, actionnaires, barons de l'industrie, qui continuent de s'enrichir pendant la crise et présentent la facture aux peuples ne deviendront pas raisonnables avec de vibrants appels à la responsabilité et au patriotisme économique. Pour montrer aux marchés financiers qu'ils n'ont pas tous les pouvoirs, il y a besoin de poser des actes, des lois, des obligations, des sanctions, qui permettent réellement d'affronter la finance, de lui enlever des parts de marché au profit du droit social, d'un autre partage des richesses, du bien commun, des services publics, de l'humain. Laurence Parisot, elle, est loin, très loin de l'idée que le dialogue social pourrait générer des compromis qui améliorent le sort et les droits des salariés. La patronne des patrons se pose en championne de la négociation sociale mais menace de boycotter celle sur la sécurisation des parcours professionnels si le gouvernement n'inscrit pas dans sa lettre de cadrage la garantie pour les entreprises d'une plus grande flexibilisation du travail. « Le gouvernement va s'apercevoir qu'il ne pourra pas être d'accord avec tout le monde », a rétorqué hier Bernard Thibault. Le secrétaire général de la CGT a invité « à prendre la mesure de l'urgence et des attentes ». Le patronat, lui, reste sur le même tempo, obnubilé par la baisse du coût du travail et la saignée dans les dépenses publiques. Ce faisant, Laurence Parisot a appelé hier à « signer des deux mains » le traité budgétaire européen. Dans son discours devant les patrons, Jean-Marc Ayrault a promis qu'il n'y aura pas de « hara-kiri » pour les entreprises. Pour l'heure, l'austérité adoptée en Europe comme « réponse » à la crise, c'est le hara-kiri des peuples. C'est la raison pour laquelle le nouveau traité européen provoque un sérieux débat à gauche, jusque dans les rangs du PS. Comme une invitation à prendre le pouls du peuple sur la question... (l'Humanité)
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