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Jeudi 23 Août 2012 :
Éditorial Citoyens européens de seconde zone Par Dany Stive Campements de fortune... Fortune ? Campements illicites... Où se trouvent les licites ? Notre vocabulaire trahit les stéréotypes qui collent à la peau des Roms. Là où se regroupent des migrants économiques venus de Roumanie et Bulgarie, poussés par la misère et la dégradation des économies et des politiques sociales, on s'évertue à nous présenter des populations nomades, se déplaçant de campements en campements. En fait, les Roms survivent dans des bidonvilles qui ressemblent étrangement à ceux des années cinquante à quatre-vingt où s'entassaient alors les travailleurs immigrés du nord de l'Afrique. On tremble en pensant aux décennies qui ont été nécessaires pour éradiquer cet habitat indigne. Pourtant, c'est à cette tâche que le gouvernement doit absolument s'atteler dès aujourd'hui. La réunion interministérielle provoquée par le premier ministre doit impérativement refermer la sinistre période estivale qui a vu le ministre de l'Intérieur agir (et penser ?) comme n'importe quel thuriféraire sarkozyste. Même Jean-Pierre Raffarin n'a « pas vraiment » vu de différences entre l'action de Manuel Valls et celle que menait Claude Guéant, son prédécesseur place Beauvau. Et l'ancien premier ministre s'est payé le luxe de prédire : « je pense que ça va conduire à un certain nombre de difficultés, car les socialistes ne font pas la politique pour laquelle ils ont été élus. » C'est le moins que l'on puisse dire : qu'un ministre de gauche développe, avec des nuances (quand même !), un discours qui rappelle furieusement l'escroquerie intellectuelle du discours de Grenoble est insupportable et dangereux. Il est plus que temps d'en finir avec cette politique d'expulsion qui jette des familles à la rue dans un dénuement total, les éloignant de l'apport solidaire des associations et du travail social mené par les collectivités territoriales engagées dans ce combat. Il est temps d'en finir avec les reconduites à la frontière, aussi onéreuses (20 970 euros d'après une évaluation du Sénat) qu'inefficaces et humainement insupportables. Il est temps d'en finir avec une politique qui bafoue les droits et la dignité des personnes. Comme tout un chacun, Jean-Marc Ayrault a entendu, pendant la campagne électorale, le futur président de la République déclarer : « Lorsque des campements insalubres sont démantelés, des solutions alternatives doivent être proposées... » Les décisions sur lesquelles la réunion interministérielle va s'engager ne peuvent ignorer ce discours. Mais la déception serait grande si elle se contentait de gérer ce problème sans affirmer la volonté de le régler. Rapidement, un moratoire sur les expulsions doit être décidé. Mettre fin aux mesures transitoires qui restreignent l'accès au travail des Roumains et des Bulgares, donc des Roms, en France jusqu'en janvier 2014, donnerait quelque consistance à un discours appelant ces gens à s'intégrer. En fait, il s'agit de donner accès au droit commun à ces 15 000 citoyens européens qui vivent aujourd'hui dans des conditions indignes. (l'Humanité)
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