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Dimanche 19 Août 2012 :
Éditorial Les cracheurs de feu Par Patrick Apel-Muller Le péril se profile, grandissant. À Tel-Aviv, Nétanyahou et Barak prêchent la guerre contre l'Iran et tentent d'en convaincre le peuple israélien par une mise en condition soigneuse. Les considérants intérieurs – pour résoudre des impasses politiques et sociales – pèsent lourd et s'ajoutent au rêve américain de briser la puissance de Téhéran – accusé de préparer des armes nucléaires – allié au régime de Damas et au Hezbollah libanais. Le drame syrien est autant porteur de risques pour l'ensemble des Proche et Moyen-Orient. Le Qatar, la Turquie et l'Arabie saoudite, foyer d'un islamisme radical, poussent à l'escalade avec, une fois de plus, la bénédiction du Pentagone. Les premières ondes de choc ont atteint des pays voisins comme le Liban ou la Jordanie qui reposent sur de précaires équilibres, au voisinage de l'épicentre palestinien. L'aggravation et l'extension des conflits ne seraient pas circonscrites à cette région, l'expérience en atteste. Rien n'est pire que ces cracheurs de feu qui, sur les parvis de Saint-Germain, réclament de nouvelles ingérences, appellent à de furieux bombardements et prônent des interventions militaires, sans respect de la légalité internationale. Dans les rangs de la droite, on espère se refaire une santé en tenant de martiaux discours. « Dire d'avance que la guerre est la seule solution, alors qu'elle ne serait même pas une solution, écrivait Jean Jaurès. C'est s'enivrer soi-même de son paradoxe belliqueux et perdre l'équilibre dans la véhémence de son pugilat. » Ces farouches guerriers de la rhétorique sont sans doute trop bien assis pour craindre de sauter avec la poudrière. Tout devrait inciter à éviter la surenchère des armes : les 20 000 morts syriens, les quartiers de Damas et d'Alep à feu et à sang, la longue souffrance des réfugiés, les forces obscures qui se nourrissent du chaos. Les précédents eux-mêmes imposent la prudence. L'intervention en Libye, décrétée avec désinvolture à l'égard des résolutions de l'ONU, a déstabilisé les pays du Sahara et du Sahel. Le bilan de la guerre d'Irak est désastreux ; Bagdad, la perle de l'empire abbasside, est jugé selon une enquête internationale comme la ville au monde ayant « la plus mauvaise qualité de vie ». Les Irakiens sont déchirés au gré des factions et des communautés. La vie n'y est plus qu'une variable d'ajustement ; la peur y est la règle. Degré après degré, de crimes de guerre en crimes contre l'humanité, le régime d'Assad, accompagné, on le sait désormais, par une partie de son opposition, progresse dans la terreur et dans l'horreur. Rajouter la guerre à la guerre dynamiserait les logiques meurtrières. Obstinément, en dépit des échecs, la solution politique doit être recherchée. Rien ne sert de remâcher une supposée impuissance. Comment surmonter les craintes de la Russie et de la Chine devant la montée de l'islamisme et les manoeuvres américaines pour dominer la région ? Comment aider l'opposition démocratique ? Quelles garanties construire pour l'après-Assad ? Comment ramener les gouvernants Israéliens à la raison et progresser vers l'émancipation palestinienne ? Et au-delà quel rôle pour l'ONU et un système de sécurité collective privilégiant la diplomatie ; quel nouvel ordre mondial répondant aux aspirations à la justice et à la liberté ? La France peut jouer un rôle majeur pour dépasser ces crises. (l'Humanité)
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