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Vendredi 17 Août 2012 :

 

Éditorial

Quelles priorités ?

Par Maurice Ulrich

À Amiens mardi, Manuel Valls a pris soin de marquer une distance avec les paroles de Nicolas Sarkozy à La Courneuve : « Je ne suis pas venu pour qu'on passe au Karcher ce quartier. » Une distance avec les paroles, mais pour le reste ? Certes, il n'est pas acceptable que des policiers soient la cible de tirs de chevrotine, que partent en fumée une école, une salle de sport, des voitures, que soient saccagés des appartements. C'est d'autant moins acceptable que les victimes en sont les habitants mêmes d'un quartier où l'on ne roule pas sur l'or. La nuit de mardi à mercredi, avec une présence policière renforcée, a été calme, au soulagement des habitants mais nul ne sait si cela durera.

L'explosion de lundi semble avoir des causes assez précises qu'une enquête en cours se doit d'élucider. Mais sur le fond, rien, absolument rien, n'a changé pour les quartiers et à ce jour les réponses du gouvernement ont comme un air de déjà-vu. Certes il y a désormais le classement d'une quinzaine de quartiers en zone de sécurité prioritaire – dont précisément le quartier nord d'Amiens. Mais est-ce que cela signifie que la sécurité est la question majeure dans ces quartiers, avant le chômage, les bas salaires, la précarité, les services publics ? Que c'est en les classant ainsi que l'on va régler leur sort et celui de leurs habitants ? Le président de la République comme le ministre de l'Intérieur ne devraient pas oublier que les moulinets sécuritaires de la droite n'ont abouti à rien, ce qui devrait d'ailleurs inciter cette dernière à la retenue. Au lieu de cela, on a plutôt l'impression, assez désagréable, que la gauche aux affaires s'efforce de faire la preuve qu'elle peut jouer les pères Fouettard aussi bien que la droite et qu'elle peut tout autant, « surveiller et punir ». Ce n'est pas un hasard si François Hollande, deux mois après, rendant hommage dans le Var aux deux gendarmes tuées le 17 juin, y est allé du refrain connu sur la récidive. François Hollande, écrivait hier le Parisien, n'a pas craint de « faire du Sarkozy ».

Mais ce n'est certainement pas une course à l'échalote sécuritaire qu'attendent ceux qui ont élu le président et sa majorité. Le changement c'est maintenant, soit, mais quand maintenant ? C'est quand dans les quartiers que l'on dit difficiles mais qui sont, pour l'essentiel, les quartiers populaires ? Bien sûr que la sécurité y est nécessaire, attendue par le plus grand nombre. Et alors, on ne parle plus du reste, de ce qui peut y changer la vie, vraiment, de politiques ambitieuses de la ville ? On a entendu Manuel Valls, d'accord, mais que dit le ministre chargé de la Ville ? Le premier ministre évoquait, il y a tout juste un mois, un rapport de la Cour des comptes dressant le bilan des inégalités entre les quartiers et le reste du pays. Où sont les suites ? On parle de rigueur, d'une règle d'or qui ne dit toujours pas son nom mais qui, inscrite dans les faits, signifiera moins de services publics, moins de social, moins d'argent pour le logement, moins de marge de manœuvre pour les collectivités locales. À l'exception de l'enseignement, seuls les budgets de la police, de la gendarmerie et de la justice ne subiront pas de coupes lors du prochain budget. Ce n'est pas un programme.

(l'Humanité)

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