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Vendredi 10 Août 2012 :
Éditorial Un rôle à jouer Par Maurice Ulrich Que se passe-t-il en ces heures à Alep où l'armée syrienne affirme avoir repris le contrôle du quartier de Salaheddinne ? Que se passe-t-il pour les milliers de civils entre les chars et des groupes de combattants dont nul n'ignore aujourd'hui qu'ils n'ont plus grand-chose à voir avec la mobilisation populaire qui n'avait d'autre but que le départ de Bachar Al Assad et la quête de la démocratie qui semblait promise aux pays du « printemps arabe ». On sait que les lendemains n'y chantent pas d'une seule voix, mais ce qui se passe en Syrie est désormais d'une autre nature. L'Arabie Saoudite, le Qatar, avec l'aval des grands pays occidentaux qui se gardent de les désavouer, ne serait-ce que du bout des lèvres, ont lancé une OPA sur le soulèvement du peuple syrien. On peut croire que c'est par passion de la démocratie quand leurs régimes font partie des plus féodaux de la planète ? Qui peut croire que le peuple syrien soit la préoccupation des groupes proches d'al-Qaida qui agissent désormais sur la terre syrienne en prospérant dans cette situation ? Il faut le répéter sans doute : s'il y a une issue positive, elle est à rechercher avec les forces populaires et démocratiques sur place, dont la légitimité est à reconstruire et dont la représentativité est à établir, avec la reconnaissance de la communauté internationale. Dans ces conditions, l'épisode Sarko II, le retour d'hier apparaît pour ce qu'il est. Une instrumentalisation cynique du drame syrien à des fins de politique intérieure. Quel numéro de De Gaulle à la petite semaine ! Un retrait de la vie politique suivi d'un retour en homme providentiel, plus, en chef de guerre. Nicolas Sarkozy dresse un parallèle entre la Syrie et la Libye, ce qui est un mensonge éhonté, en se gardant bien d'évoquer les suites de l'épisode libyen au Mali, où c'est avec des armes libyennes que les islamistes radicaux ont pris le contrôle du Nord. Mais c'est en laissant croire, relayé par ses porte-couteaux comme Nadine Morano ou Pierre Juvin, secrétaire national de l'UMP, que la France pourrait intervenir de son propre chef qu'il passe le mur du son de la démagogie. Sans mandat de l'ONU, en marge des nations, on envoie nos Rafale et notre unique porte-avions ? C'en est même ridicule. Nicolas Sarkozy ignore-t-il vraiment qu'autour de la Syrie il y a l'Irak, l'Iran, Israël, le Liban, que les champs de pétrole du golfe Persique sont à portée, que la Russie et la Chine, quoi que l'on en pense, ne partagent certainement pas les vues de la France. Le chef de l'État battu est comme un gamin jouant avec le feu près d'un baril de poudre pour se faire remarquer. Enfin, il fait son numéro en mettant en avant le Conseil national de transition dont on sait qu'en Syrie même il ne représente rien ou presque. Il est vrai que Sarko II le retour n'en a cure. Son véritable objectif n'est pas Damas mais Paris. Reste que la France, qui organise une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU le 30 août et qui pourrait peut-être l'avancer, a un rôle à jouer. Elle peut déjà inviter fermement tous les pays les plus concernés à la retenue, au respect du peuple syrien, à en finir avec les manipulations des uns et des autres, et avec les géostratégies inavouées. (l'Humanité)
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