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Mercredi 1er Août 2012 :

 

Éditorial

Les nostalgiques de l'avant-4 Août

Par Jean-Paul Piérot

La droite a-t-elle découvert la lune ? Alors que s'achève la session parlementaire, les dirigeants de l'UMP jouent la surprise, à laquelle ils ajoutent un zest d'indignation. Horreur ! 2012 ne ressemble pas à 2007. En vérité, à l'expérience de la fringale de lois cousues main pour le monde du fric (loi Tepa, bouclier fiscal...), qui faisait courir le nouveau président à peine sorti du Fouquet's, les Français ne souhaitaient en aucune manière que la séquence parlementaire suivant l'élection de François Hollande ressemblât si peu que ce fût à celle qu'il inaugura le quinquennat Sarkozy. L'angle d'attaque choisi est symptomatique des préoccupations essentielles de classe de ces contempteurs. Ils enragent devant toute correction allant dans le sens de la justice fiscale, devant chaque remise en cause des cadeaux exorbitants dont les plus riches se sont vu gratifier. À quelques jours de la date anniversaire du 4 Août, les privilégiés n'ont pas perdu leurs défenseurs.

La session, qui s'est conclue par le vote de la loi de finances rectificative, est « nocive », selon Bernard Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale ; elle s'est livrée à un « matraquage fiscal », accuse Christian Jacob, le chef du groupe UMP ; « une session parlementaire consacrée à défaire ce qui a été fait », se lamente Nathalie Kosciusko-Morizet, ex-porte-parole de Nicolas Sarkozy...

Encore déstabilisés par la défaite qu'ils ont subie, les responsables de la droite ne s'y trompent pas, et leurs critiques du budget constituent une sorte d'hommage du vice à la vertu : les grandes mesures de rentrées fiscales seront plutôt supportées par ceux qui en ont les moyens, et c'est précisément cette cohérence qui est insupportable à l'ex-camp Sarkozyte.

Abroger c'est déjà changer, du moins est-ce un préalable. Les dizaines de milliards d'euros, détournés des besoins de la collectivité nationale vers l'intérêt privé, ont plombé et affaibli la France. Lors de ce fol été 2007, la droite décomplexée voyait devant elle s'élargir les horizons, elle pensait que tout devenait possible, dans une ambiance de revanche sociale contre tous les acquis du monde du travail, et jusqu'aux principes énoncés par le Conseil national de la Résistance, que vilipendait un dirigeant du Medef comme Denis Kessler.

Détricoter, abolir et annuler cette politique-là, une fois la droite battue, devient pour la nouvelle majorité non seulement légitime mais paraît découler d'un devoir moral, du respect des électeurs. Pourtant, le train de mesures, conçu et voté par toute la gauche (on doit plusieurs d'entre elles à des propositions du Front de gauche), n'est pas la simple négation du principe de Guizot : riches enrichissez-vous ! Il peut dessiner une autre logique. Il n'est pas sans signification d'annuler la TVA sociale, qui aurait pesé sur le pouvoir d'achat des familles modestes, et parallèlement de surtaxer les dividendes, les stock-options et autres parachutes dorés. Mais d'autres défis n'attendront pas longtemps le gouvernement, qui devra l'an prochain trouver d'autres recettes pour sortir d'une sorte de logique de rigueur mieux partagée Une grande réforme de la fiscalité reste à bâtir, qui alimentera des débats au sein même de la gauche, qui devra rester ferme face aux nostalgiques de l'avant-4 Août.

(l'Humanité)

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