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Lundi 9 Juillet 2012 :

 

Au boulot

Soldes en trop

Par Gérard Filoche, inspecteur du travail.

Cela fait de longues années que les grands magasins et des chaînes de fringues voulaient faire des nocturnes à l'occasion des soldes. Pourquoi se gêner avec les salariés si ceux-ci se laissent faire ? Vu que les salaires sont misérables, il suffit de les appâter avec quelques primes. Vu qu'ils n'ont pas le choix, il suffit de commencer la vente de nuit avec les soldes et l'on pourra ensuite déréguler les horaires toute l'année. Les salariés et les syndicats des Galeries Lafayette, du BHV ont mené une belle bagarre contre la folie de leurs employeurs qui voulaient à tout prix les faire travailler jusqu'à 21 heures, 22 heures, voire minuit à Paris, le 27 et le 28 juin, pour les soldes. Et ceux-ci voulaient aussi continuer jusqu'au 11 août, sous prétexte des « salons de prêt-à-porter de juillet », de « l'affluence attendue de touristes qui passeront par Paris en allant aux JO de Londres » et du « ramadan qui, cette année, est décalé du 20 juillet au 19 août »... N'en jetez plus, la coupe est pleine de prétextes...

Mais, par assignation des 15 et 19 juin, les juges, en référé, ont pris de très belles décisions :

1.Ils ont rappelé qu'il fallait respecter la convention collective nationale des grands magasins et des magasins populaires.

2. Avant toute décision ayant pour objet de fixer au-delà de 20 heures, l'heure de fermeture d'un magasin, la direction devra consulter le comité d'entreprise. Or elle ne fait état de véritables négociations.

3. Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et il est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou les services d'utilité sociale (art. L. 3122-32).

4. S'agissant du travail rentre 21 heures et 22 heures, aucune information ne permettait de considérer que c'était nécessaire pour assurer la continuité de l'activité économique.

5. Il s'ensuit que le projet d'extension du travail de nuit est illégal.

6. Cela crée un trouble à l'ordre public social manifestement illicite.

7. Les Galeries Lafayette devront payer 100 000 euros par infraction constatée (c'est-à-dire par salarié vu à son poste par l'inspection du travail après 20 heures).

8. Le BHV sera soumis à une astreinte de 300 000 euros en cas d'infraction.

9. Les syndicats demandeurs seront dédommagés de leurs frais de justice.

Ouf, ça fait du bien. Les conventions collectives n'ont pas encore été « dissoutes » sous prétexte de rembourser la « dette », par injonction des banques et de Mme Merkel comme à Athènes, Madrid et Rome.

(L'Humanité Dimanche)

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