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Samedi 30 Juin 2012 :

 

Éditorial

Au feu !

Par Paule Masson

Au moment de la formation du gouvernement, le nom donné à ce ministère avait donné lieu à ricanements. « Ça sonne beau comme un plan quinquennal »,ont alors grincé bien des détracteurs. Vu la situation, le nom n'est peut-être pas si mal choisi. Car il faut bien l'avouer, le ministre du « Redressement productif » a du pain sur la planche. Arnaud Montebourg est appelé sur tous les fronts. Il bouge, reçoit, écoute, a recruté une « équipe commando » pour partager le travail, suivre de très lourds dossiers comme Arcelor, Fralib, Rio Tinto, Petroplus, Technicolor, Doux... Son téléphone portable est, paraît-il, saturé de messages de syndicalistes qui crient : « Au feu ! » Mais si le ministre, connu pour son volontarisme politique, se contente d'être un pompier des plans sociaux, il n'y aura pas de redressement productif.

La situation est déjà plus qu'inquiétante, et pourtant, le plus dur reste à venir. La CGT avait soulevé le lièvre depuis quelques mois mais, depuis hier, il ne fait mystère des intentions de PSA de sabrer dur dans ses capacités de production en France. La direction du premier constructeur automobile de l'Hexagone prépare, depuis plusieurs mois, les esprits à accepter l'inacceptable et se rapproche du moment où elle va devoir avouer l'inavouable. « Tous les éléments sont maintenant réunis pour l'annonce, fin juillet, de la fermeture d'Aulnay-sous-Bois », a explosé, hier, Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT du site. Près de 3500 salariés travaillent dans cette usine de Seine-Saint-Denis, ce qui amène plus de 10 000 personnes à dépendre de PSA dans un département où le taux de chômage est des plus élevés. C'est une hémorragie économique et un désastre social qui se profilent.

Les yeux se tournent déjà vers le ministre du Redressement productif. Va-t-il se contenter d'accompagner du mieux possible la restructuration de PSA (gestion des licenciements, reclassements, reconversion du site, etc.) ou va-t-il travailler à empêcher la catastrophe ? Question de logique politique qui permet, ou non, d'élaborer le bon diagnostic. Le marché automobile européen est-il vraiment en surcapacité ? Est-il en crise de compétitivité ou dans la course à la rentabilité dont le seul but est d'augmenter la marge par véhicule pour satisfaire l'appétit des actionnaires ? La filière automobile occupe, en France, un emploi sur dix. Elle est tout simplement vitale pour l'économie. Son excellence technologique est mondialement reconnue. Elle est aussi le creuset d'innovations et, de ce point de vue, beaucoup d'avenirs sont à écrire, avec les véhicules propres, notamment.

À moins de nationaliser, l'État n'a pas, il est vrai, tous les pouvoirs. Mais il n'est pas démuni pour tirer sur le frein des délocalisations et du moins-disant social. Les armes sont connues. Des mesures fiscales peuvent, par exemple, sanctionner certaines décisions purement spéculatives. Elles peuvent aussi encourager les comportements vertueux en matière d'emploi, de politique sociale ou d'économie verte. L'arsenal législatif pourrait aussi accorder plus grande confiance dans la capacité des salariés et de leurs représentants à devenir une voix qui compte dans les choix stratégiques, jusqu'à leur accorder, pourquoi pas, un droit de veto. Quant à l'interdiction des licenciements boursiers, depuis le temps qu'on en parle, il serait grand temps de s'en occuper vraiment.

(l'Humanité)

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