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Mardi 26 Juin 2012 :

 

Éditorial

Souffle court

Par Paule Masson

Le gouvernement Ayrault aurait-il déjà le souffle court sans avoir démarré le sprint ? La conférence sociale des 9 e 10 juillet n'a pas encore eu lieu que les ministres sont réunis au grand complet pour « trouver » les marges budgétaires qui vont permettre de « tenir » l'objectif de réduction des déficits publics.

Le « changement maintenant » s'annonce-t-il pour plus tard ? D'ailleurs, s'annonce-t-il ?. Le président de la République a certes toujours tenu des propos mesurés sur le Smic, mais il a quand même évoqué une « mesure juste et raisonnée ».

Les 2,5 millions de salariés qui vivent avec à peine 1100 euros net par mois jugeront-ils juste et raisonnable un coup de pouce qui ne leur offre même pas de quoi se payer une baguette par jour ? Comme il est difficile d'avouer de but en blanc une revalorisation que beaucoup d'électeurs de François Hollande vont juger dérisoire, on se perd en conjectures sur une revalorisation de 2 % ou 2,2% ou peut-être, qui sait, 2,4%. Et encore, en incluant les 1,4% d'augmentation légale prévue au 1er juillet. Il se murmure même que les 0,6 % restants pourraient être un à-valoir sur la future hausse prévue en janvier 2013. Sur un sujet aussi politiquement délicat que le Smic, le gouvernement prendrait un grand risque.

Car le salaire minimum fait partie de ces conquêtes sociales qui peuplent la mémoire collective. L'idée d'instaurer un salaire minimum en rapport avec les besoins du salarié fait partie du programme du Conseil national de la Résistance. Aujourd'hui encore, il reste au coeur des affrontements sociaux car constitutif de la reconnaissance de la valeur du travail. Le salaire minimum est bien plus qu'un calcul annuel, il est une protection sociale car, dans son principe, il garantit un revenu qui permet de vivre et non pas de survivre. Il s'impose aux employeurs, petits ou grands. Les salariés sont donc assurés de ne pas être payés en deçà du Smic horaire. Des décennies de libéralisme l'ont écorné mais pas coulé.

Or, l'offensive à laquelle nous assistons contre son principe est redoutable. Le patronat, petit et grand, en fait l'ennemi de l'emploi, sans qu'aucun argument n'étaye sa théorie. La crise démontre au contraire que plus les salariés s'appauvrissent, plus l'économie patine. En 1968, quand le Smic a bondi d'un coup d'un seul de 35 %, la croissance a été au rendez-vous. Les libéraux assènent qu'il faudrait baisser le coût du travail au mépris de toute réalité sur les écarts faramineux qui se sont creusés entre les rémunérations et les profits. Pourtant, si on osait inverser la vapeur et parler de baisse du coût du capital, il n'y aurait même pas besoin de convoquer un séminaire gouvernemental pour trouver de quoi donner un réel coût de pouce au salaire minimum.

(l'Humanité)

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