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Dimanche 24 Juin 2012 :

 

Chronique

« Les mains libres » de François Hollande

Par Francis Wurtz (1)

Concernant le traité dit de « discipline budgétaire », les deux principaux alliés sur lesquels semblait compter le nouveau locataire de l'Élysée pour gagner son « bras de fer » contre Angela Merkel étaient le chef de l'opposition social-démocrate allemande (SPD), Sigmar Gabriel- qui affirmait il y a quelques jours à Paris avoir « avec François Hollande des représentations très proches de la manière dont il faut sortir de la crise » -, et le président (libéral) du Conseil italien, Mario Monti, présenté comme le parfait « trait d'union » entre le président français et la chancelière allemande, puisqu'il est à la fois partisan de la discipline budgétaire chère à l'une et de la croissance dont se réclame l'autre...

La réalité s'est imposée plus rapidement que prévu. À peine rentré de Paris, le chef du SPD annonçait, samedi dernier, à Berlin... que son parti allait voter pour le traité Merkel au Bundestag. La date de la ratification est déjà fixée au 29 juin, le jour même du Conseil européen. Quant à Mario Monti, s'il a été jusqu'ici porté aux nues par les grands prêtres de la « rigueur » pour son soutien à la règle d'or (inscription de la discipline budgétaire durable dans la Constitution) et la sévère cure d'austérité infligée aux Italiens, il n'est plus en odeur de sainteté à Berlin depuis qu'il semble baisser les bras face au fiasco qui s'annonce pour l'économie de son pays : consommation en baisse, chômage en hausse, chute de la production industrielle et des rentrées fiscales, envol des taux d'intérêt de la dette... et crise politique.

À quoi risquent donc de ressembler les prochains sommets européens ? François Hollande « aux mains libres » et ses « alliés » italiens, voire espagnols, auront face à eux une Angela Merkel dont l'état d'esprit ne doit pas être très éloigné de la très symptomatique manchette de « Die Zeit » de dimanche dernier : « Le monde entier veut notre argent », suivie d'une mise en garde sans appel, « Sauvetage contre réforme ; aide contre fermeté » (« Härte»). C'est ce que la chancelière appelle « l'Union politique » conçue pour regagner la confiance des marchés financiers. Pour changer l'Europe, mieux vaut décidément ne pas tenter d'éviter les mobilisations citoyennes et les convergences entre les peuples européens. Le Front de gauche a du pain sur la planche. François Hollande devrait être comblé. Il a sa « majorité absolue » à l'Assemblée nationale. Celle qui « évite la contrainte des négociations permanentes et donne de la stabilité », comme l'avait souligné le secrétaire national aux élections du PS, Christophe Borgel. Le seul gêneur à éviter était en fait le Front de gauche, car porteur d'une autre vision de la société et tout particulièrement de l'Union européenne. Le président de la République a donc, apparemment, « les mains libres » (du moins au Parlement) mais pour quoi faire ? Pour ratifier le traité budgétaire ou pour le « renégocier » ? Pour ramener à tout prix les « déficits publics » aux chiffres mythiques (et totalement arbitraires) de 3 % des richesses produites en 2013 et à 05 % en 2017, ou pour relancer prioritairement l'emploi, le développement social et la transition écologique ? Pour céder des pans entiers de la souveraineté populaire à des instances européennes dominées par des libéraux inflexibles ou pour libérer l'intervention citoyenne et susciter les convergences entre peuples européens ? Toutes ces questions vont se poser très concrètement et très vite. Certaines avant l'été.

(1)Député honoraire au Parlement européen.

(L'Humanité Dimanche)

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