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Mardi 19 Juin 2012 :
Éditorial Question de choix Par Patrick Apel-Muller Un nouveau chapitre de la vie politique vient de s'ouvrir. C'est sans doute le plus périlleux. La crise s'exacerbe en Europe. Le lâche soulagement qui s'est emparé des milieux dirigeants européens avec la victoire des conservateurs grecs, d'un souffle devant Syriza, la gauche combative qui a progressé d'encore 10 %, trahissait leur obsession de l'austérité... Faire rendre gorge au peuple grec, pressurer les Espagnols, les Portugais ou les Italiens avant que vienne le tour des Français. Si le cycle infernal des coupes claires dans les budgets publics, de l'abaissement des coûts du travail plutôt que des frais financiers, des déréglementations en tous genres n'est pas interrompu, la situation continuera de se dégrader sous l'effet d'une croissance anémiée. L'heure des choix a sonné ; les rendez-vous sont là. La semaine prochaine, les 28 et 29 juin, se réunit le Conseil européen. Alors qu'Angela Merkel refuse de desserrer l'étau budgétaire qui meurtrit le continent, François Hollande, qui réclame pourtant un geste en faveur de la croissance, semble avoir pris son parti d'une nouvelle vague de sacrifices à demander aux Français. À Bercy, on travaille le dosage entre plus d'impôts et moins de dépenses, mais revient avec insistance le refrain des « efforts justes ». À Bruxelles, sont tressés les liens avec lesquels on veut ligoter la décision publique et museler les contradictions citoyennes : union bancaire, union budgétaire, fédéralisme politique. C'est sur sa capacité à résister à ce plan de bataille des marchés financiers pour répondre aux urgences sociales que sera jugée l'équipe un peu modifiée que va constituer Jean-Marc Ayrault. À cet égard on ne peut que s'inquiéter des souhaits du président des sénateurs PS, François Rebsamen – candidat à la direction du Parti socialiste – qu'« entrent ou soient associés au gouvernement » des membres du Modem, partisan d'une austérité forcenée. Les forces qui ont fait la victoire de la gauche débordent très largement les seuls rangs socialistes. La gauche dispose d'un socle solide pour affronter droite et extrême droite, qui vont surenchérir dans l'opposition aux solutions de progrès. À condition que tous soient entendus par le gouvernement et que les ministres ne restent pas prisonniers, comme ils le sont aujourd'hui, du programme du président. Les citoyens eux-mêmes, les syndicalistes, les militants d'associations peuvent mettre leur poids dans la balance afin qu'elle penche vers des solutions de progrès. Les campagnes du Front de gauche ont ancré dans une large partie de la population une dynamique utile à toute la gauche, des revendications qui font pièce aux projets de la droite, notamment en substituant la réduction des gâchis financiers à la désastreuse baisse du coût du travail. À droite, il ne faudra pas si longtemps pour se reprendre. Les débats vont faire rage entre ceux qui sont prêts à embrasser le Front national, sa pompe et ses oeuvres et ceux qui, bien tardivement, mesurent le risque mortel qui menace l'UMP au terme de cette dérive. François Baroin constate que la stratégie du « ni-ni » (ni FN, ni gauche) « n'est pas pertinente. Elle a troublé. Je l'ai soutenue, je le dis franchement, avoue-t-il, mais on est allés au bout du processus ». Confession d'un pêcheur qui bat sa coulpe sur la poitrine de Nadine Morano et de son tango avec le FN. Les milieux d'affaires ne toléreront pas longtemps ces errements du personnel politique de droite. Il leur faut des relais pour que s'exerce la pression maximale sur le nouveau pouvoir. Les mois qui viennent seront décisifs. (l'Humanité)
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