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Lundi 18 Juin 2012 :

 

Budget : quelles mesures d'urgence ?

Par Jean-Christophe Le Duigou (1)

Alors que s'engage la préparation du budget 2013, les injonctions qui s'adressent au gouvernement ont de quoi inquiéter. Après la Commission européenne et la Cour des comptes, c'est au tour de l'inspection générale des finances (IGF) de délivrer le même message : l'austérité budgétaire doit être renforcée.

Commandé à l'automne par François Fillon pour déterminer les « leviers d'action » nécessaires au retour à l'équilibre des comptes publics, le rapport de l'L'IGF, qui sera complété par un deuxième rapport sur l'assurance-maladie, est sans surprise. Les auteurs commencent par fermer une première porte. Ils récusent l'idée de recourir à des recettes nouvelles : « Une trajectoire de retour à l'équilibre qui reposerait essentiellement sur une hausse des recettes (…) singulariserait la France et serait contradictoire avec les efforts visant à améliorer la compétitivité de son économie et le pouvoir d'achat des ménages. »

Nos « experts » entendent dès lors faire porter les trois quarts de l'effort sur la réduction des dépenses. Le scénario retenu dans le rapport reprend purement et simplement la stratégie du précédent gouvernement : 56 milliards d'économies devraient être réalisées sur les budgets publics et sociaux d'ici à 2016, ce qui implique pour le seul État qu'il trouve 21 milliards d'économies, soit 5,3 milliards par an.

L'IGF se veut rassurante : « Cette option ne veut pas dire que les dépenses de l'État baisseraient, mais que leur progression naturelle, évaluée à 42 milliards d'ici à 2016, serait ralentie de moitié. » Sauf que des dépenses sont incompréhensibles, à l'instar de celles de fonctionnement qui ont été laminées par la fameuse RGPP, à l'instar aussi de la charge de la dette de l'État, ou des dotations à l'Europe. Les économies à réaliser par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses représentent bien une baisse de 8 % des autres budgets.

Les postes d'économies sont identifiées : baisse du nombre de fonctionnaires, gel de leur salaire, gel des pensions, réexamen des dépenses d'intervention. Les prestations sociales financées par l'État sont visées : l'allocation adulte handicapé, les aides au logement, les retraites de la SNCF, les prestations aux anciens combattants, les bourses aux étudiants. Côté subventions, après les dotations à Réseau ferré de France, viennent les contrats emplois aidés, l'assistance éducative, le fonds européen de développement et l'hébergement d'urgence... C'est toute la dimension sociale de l'État qu'il faudrait mettre à bas.

Ce rapport est inacceptable. Mais il ne suffit pas de le récuser. Encore faut-il se donner les moyens de faire autrement. Trop leviers doivent être actionnés simultanément.

D'abord, une meilleure répartition des contributions fiscales est envisageable. Après les 40 milliards de cadeaux octroyés sous le quinquennat de Sarkozy, 35 à 40 milliards de recettes peuvent être dégagées pour le seul budget de l'État d'ici à 2016. La suppression de nombreuses « niches fiscales » doit, par exemple, être mise en oeuvre.

Ensuite, des économies sont possibles en matière de dépenses. Il ne faut bien sûr pas s'attaquer aux allocations mais aux dépenses inutiles ou à celles qui peuvent être étalées dans le temps. Au chapitre des dépenses inutiles, nous mettons au premier rang les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui coûtent chaque année 30 milliards à l'État.

Enfin, il faut accélérer la croissance en mobilisant le crédit et les ressources de l'épargne sur des projets crédibles de développement industriel et technologique. La constitution d'un pôle public financier est la clé pour dynamiser la croissance, augmenter les recettes fiscales et rééquilibrer les comptes publics. L'avenir des politiques sociales en dépend.

Économiste et syndicaliste.

(L'Humanité Dimanche)

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