> Presse —>Voter vaut mieux que twitter |
Vendredi 15 Juin 2012 :
Éditorial Voter vaut mieux que twitter Par Jean-Paul Piérot Dans ces jours précédant le scrutin qui va fixer la composition de la représentation nationale, acte majeur dans une démocratie, le débat politique s'est perdu, évanoui, a été comme absorbé par des chroniques de cour, pour ne pas dire d'alcôve. Vue par le prisme médiatique, la campagne électorale a fait... twitt ! Emploi, pouvoir d'achat, retraites, justice fiscale : ces mots-là, qui traduisent les premières préoccupations des gens vraiment normaux, il fallait, pour les entendre, prêter une oreille attentive, entre de doctes analyses sur le statut de la première dame et l'influence des réseaux sociaux. À qui la faute, si un message vachard tapé sur un Smartphone a occupé une aussi précieuse semaine ? Une fois de plus, la majorité des médias ne pourront se défausser. Quand le Figaro titre en une « Trierweiler contre Royal : crise au sommet de l'État » - rien que cela ! - et lorsque Libération et le Monde consacrent plusieurs pages à l'affaire, l'Humanité s'honore d'avoir privilégié, mercredi, la dénonciation de complaisance de l'UMP pour le FN et d'avoir accordé, hier, la première place au plafonnement des salaires des patrons des entreprises publiques. À chacun d'assumer ses choix ! Cette prise en otage du débat va-t-elle peser sur le scrutin de dimanche ? Cette péripétie élyséo-charentaise ne risque-t-elle pas de jouer négativement sur une élection qui a déjà été abaissée, par la pratique institutionnelle, à la seule fonction de vote d'enregistrement et de ratification de l'élection du président ? Le record d'abstention qui a entaché le premier tour devrait inspirer la gauche à ne pas reporter aux calendes grecques une réforme réactivant la démocratie parlementaire qui implique l'instauration de la proportionnelle. En dépit de ses effets déformants qui privent les différentes composantes de la nouvelle majorité – et singulièrement le Front de gauche – d'une représentation parlementaire conforme à leur influence respective, le premier tour des élections législatives a exprimé une attente de changement déjà perceptible à l'élection présidentielle. Après avoir congédié Nicolas Sarkozy et confirmé ce choix en plaçant les partis de gauche devant l'UMP au premier tour, la majorité des Français devraient maintenir la droite à bonne distance du pouvoir. Cette tâche accomplie, deux questions restent ouvertes. L'extrême droite, contre laquelle s'est mobilisé fortement le Front de gauche pendant les deux campagnes électorales, trouvera-t-elle, face à elle, une muraille citoyenne infranchissable ? La complicité de l'UMP, exprimée par le « ni-ni » et par les amalgames honteux avec le Front de gauche, vise à banaliser l'idéologie de haine du FN, et justifier de prochaines alliances. Mais le PS ne met pas partout la même énergie à résister à la poussée extrémiste. Le maintien en lice d'une candidate socialiste risquant de faire élire la petite-fille de Jean-Marie Le Pen dans le Vaucluse est un mauvais signe. Jean-Luc Mélenchon appelait, hier, les dirigeants du PS a s'engager plus fermement contre la présidente du FN dans le Pas-de-Calais. La seconde question tient à la place qu'occuperont les député-e-s du Front de gauche. Cette gauche de résistance et de transformation sociale sera-t-elle en mesure de constituer un groupe parlementaire, en dépit d'un mode de scrutin et d'une dérive institutionnelle antidémocratique, mais dont une forte mobilisation citoyenne pourra limiter les effets. Les réponses, dimanche soir, sont entre les mains des citoyens, de chacun de nous. (l'Humanité)
|