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Jeudi 7 Juin 2012 :
Éditorial Naphtaline Par Michel Guilloux À trop vouloir prouver, on peut se tirer une balle dans le pied. Ainsi de l'ineffable chroniqueur du Figaro Yves de Kerdrel, à force de vouloir emboîter le pas aux lagarderies - si vous n'avez pas assez d'argent pour payer votre essence, roulez à vélo ou que les Grecs mangent de la brioche s'ils n'ont pas de pain – pour tancer à son tour le peuple grec. Ce brave ultralibéral s'étouffe presque en dénonçant le peu de hauts revenus Hellènes à se déclarer au fisc. Pour un peu, s'il appliquait ce raisonnement à notre pays, n'irait-il pas jusqu'à réclamer de nouvelles tranches supérieures d'impôts, la fin des niches fiscales qui permettent aux riches d'y échapper, voire de poursuivre les mauvais payeurs exilés, sur l'exemple américain, comme Jean-Luc Mélenchon l'avait rappelé durant sa campagne ? L'homme s'en prend même au « fédéralisme qui ne dit pas son nom » imposé aux Européens et « construit dans leur dos » par Bruxelles. Attention au claquage de cervicales... Il faut dire que l'organe central de la bourgeoisie a décidé de faire feu de tout bois. Sur une pleine page, le souverain poncif Balladur est sorti de sa naphtaline pour délivrer son oracle des plus originaux. Il faut transférer à Bruxelles « des pouvoirs accrus en matière de politique budgétaire et fiscale des États membres », flexibiliser le marché du travail, tailler dans les dépenses publiques, toutes recettes partiellement mises en oeuvre si brillamment lorsqu'il fréquenta Matignon il y a déjà près de vingt ans, jusqu'à ce que les Français lui interdisent l'Élysée, avant de fermer ses portes à son fils spirituel qui portait ce programme de concert avec Angéla Merkel. Certains prennent encore moins de gants. Préposé à l'emporte-pièce antisocial, le président de la CGPME, Jean-François Roubaud, est encore plus lapidaire. Quand on lui parle salaire et augmentation du Smic, il sort le flingue : « Moi, ce serait 0 % de coup de pouce ! » Que ne ferait-on pas pour permettre aux donneurs d'ordres qui musellent ses adhérents, tuent l'emploi industriel et étranglent la croissance d'échapper à quelque pression que ce soit. Cette offensive tous azimuts des forces qui ont perdu la présidentielle, relayée avec complaisance par des médias pour qui l'austérité est un horizon tout aussi indispensable que la logique du tout-financier qui enfonce nos pays et nos peuples dans la crise, donne la mesure de l'ère politique qui s'est ouverte. Ils ne désarmeront pas. Ils ont même les crocs plus aiguisés que jamais. Cette excitation est proportionnelle aux attentes sociales qui ont permis la défaite de Nicolas Sarkozy, voilà à peine un mois, et de ses amis dimanche prochain. Elle confirme la démarche d'un Front de gauche et de ses composantes qui visent à être le porte-voix des revendications populaires et salariées dans l'Hémicycle. Ces dernières ont fait irruption dans le débat de la présidentielle. Le gouvernement en porte pour partie la marque. Mais pour inscrire dans la durée un réel changement espéré, le nombre de députés élus dimanche prochain pour peser à gauche appellera de chacune et chacun une inventivité pour se faire le relais continuel entre citoyens et travailleurs en mouvement, leurs organisations représentatives et le Parlement. Face aux puissances de l'argent, la force du nombre ne sera jamais de trop. (l'Humanité)
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