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Lundi 4 Juin 2012 :

 

Éditorial

La qualité du changement

Par Jean-Paul Piérot

À l'approche des élections législatives, dont le premier tour a lieu dans moins d'une semaine, la France est entrée dans une nouvelle phase du processus de changement politique à l'oeuvre en ce printemps. La première étape a été franchie avec bonheur par le monde du travail, le peuple dans sa majorité, qui a donné congé à Nicolas Sarkozy. Ce dernier, paraît-il, s'ennuierait, nous apprenait hier le journal du dimanche, citant un proche du ci-devant chef de l'État, et, selon les mêmes sources, s'apprêterait à se montrer assidu aux séances du Conseil constitutionnel, auquel - paradoxe de nos institutions – sa défaite devant les Français ouvre la porte, afin de contrarier l'adoption des lois de la nouvelle majorité. On peut juger cela pathétique, cette indication donne toutefois la mesure de la détermination qui habite certains dirigeants de droite à utiliser les moindres interstices de pouvoir de nuisance pour défendre leurs intérêts de classe.

Mais « l'essentiel a été atteint », ne sont pas loin de penser de nombreux électeurs qui ont voté pour un ou une candidate de gauche au premier tour et pour François Hollande le 6 mai. Sarkozy n'est plus au pouvoir, ni lui, ni les Copé, Fillon, Morano et autres Lefebvre qu'ils subissaient ad nauseam dans les médias. Et pourtant quel qu'immense ait été le soulagement, la suite des événements à venir est au moins aussi décisive que le changement de locataire à l'Élysée. Avec le scrutin de dimanche, se joue moins le rapport de forces entre la gauche et la droite que la question de la qualité, de la réalité et de la durabilité du changement.

Si l'élection de l'Assemblée nationale ne devait être que la confirmation – elle l'est de toute façon – du choix fait lors de la présidentielle, la démocratie parlementaire mordrait la poussière. Ce qui importe donc, c'est que la majorité de l'Assemblée reflète d'une juste manière la majorité des citoyens qui ont opté pour le changement intervenu à la tête de l'État. Essayer d'obtenir une domination hégémonique d'une composante – en l'occurrence du Parti socialiste – serait rendre un mauvais service à la gauche. Une telle majorité, l'histoire nous l'enseigne, serait moins portée au débat en son sein, et au-delà avec les citoyens eux-mêmes. Si donc le monde du travail a tout intérêt à la constitution d'une majorité de gauche – qu'indiquent tous les sondages et aussi toutes les analyses sérieuses de la situation politique -, il n'a rien à gagner à une éventuelle majorité absolue des députés socialistes.

Un gage de la réussite du changement tient à la place qu'occuperont les députés du Front de gauche, de l'importance de leur groupe parlementaire dans l'Hémicycle. Si les premiers pas du gouvernement marquent un changement appréciable comparé au règne du mépris dont nous nous émergeons, si chacun à gauche ne peut que saluer les signes du nouveau pouvoir à l'adresse des dirigeants d'entreprise trop gourmands, des annonces comme celle d'un coup de pouce de moins de 5 % sur le Smic, les réticences exprimées sur une augmentation du point d'indice des fonctionnaires trahissent une ambition insuffisante sur les moyens à mobiliser pour changer vraiment. Et ne pas décevoir les millions de Français sans la mobilisation desquels Nicolas Sarkozy ne serait pas gagné aujourd'hui par le syndrome de l'ennui.

(l'Humanité)

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