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Dimanche 3 Juin 2012 :

 

Quelle alternative à l'austérité en Europe ?

Par Jean-Christophe Le Duigou (1)

« Deux années de récession attendent les pays de la zone euro. » Telle est la conclusion à laquelle arrivent trois instituts de conjoncture, l'un français, l'autre allemand et le troisième autrichien. L'austérité conduit l'Europe dans le mur. Une alternative est urgente.

Les pays européens divergent sur les recettes qui peuvent doper l'activité. Mais aucun ne peut s'afficher contre la croissance. Les pays de la zone euro en récession, le Portugal, Espagne, la Grèce, mais aussi les Pays-Bas accueillent favorablement l'idée. L'Allemagne elle-même, voit le dynamisme de ses exportations s'affaiblir en raison des effets de la rigueur dans l'Union, amorce d'une évolution.

Cette apparente convergence ne signifie pas pour autant que tout le monde soit d'accord sur les contenus d'une politique de croissance et que les négociations se dérouleront facilement. Ainsi l'Italie et l'Espagne, qui reconnaissent le besoin de mesures soutenant la croissance à court et moyen terme, tiennent, comme l'Allemagne, à l'application stricte du pacte budgétaire et des réformes : réformes du marché du travail, réforme de la protection sociale, encadrement et baisse des salaires. Notre système social risque de devenir un point dur de la négociation.

L'Allemagne refuse que la croissance soit relancée aux dépens de l'équilibre des finances publiques. Angela Merkel a été catégorique : « Il n'est pas possible de renégocier le pacte budgétaire », qui a déjà été « signé par 25 des 27 États membres de l'Union européenne » et qui doit « permettre de renforcer la discipline dans la gestion des finances publiques ».

François Hollande, sans rejeter le traité de stabilité qui a fait l'objet d'un accord début 2012, veut au contraire en renégocier certains termes et ajouter un volet pour la croissance. Le président a avancé 4 propositions : mettre en place des « projets d'infrastructure », comme le développement de réseaux haut débit, financés via les « euro-obligations » ; augmenter les fonds de la Banque européenne d'investissement (BEI) ; mobiliser les fonds structurels, peu utilisés aujourd'hui ; taxer les transactions financières au niveau européen.

Le changement politique amorcé en France a ouvert une brèche. Mais la voie est étroite. Les moyens budgétaires mobilisables ne sont pas négligeables. Mais ils feront sentir leurs effets qu'à moyen terme et seront destinés en priorité aux pays les plus en difficulté. Les 350 milliards d'euros alloués aux fonds structurels et à la BEI ne représentent, étalés sur 5 ans, que 0,3 % du PIB de la zone. Leur effet d'entraînement est donc limité.

Deux autres leviers doivent être actionnés. D'abord celui de la politique monétaire et du crédit. La Banque centrale européenne (BCE) devrait participer à la relance en coordination avec les institutions bancaires et financières nationales. La BCE doit continuer à mener une politique monétaire accommodante pour relancer la demande. Mais il faut mobiliser les capacités de création monétaires au service d'une croissance efficace et une réforme financière qui remette les banques sur leur métier : prêter aux ménages ou aux entreprises.

Ensuite, il faut créer les conditions d'une dynamique de l'emploi et des salaires en Europe. C'est la condition pour s'ouvrir des débouchés. La revendication d'un salaire minimum dans chaque pays prend tout son sens de même que la « clause générale de progrès social », revendiquée par les 8 secrétaires généraux des grandes confédérations syndicales dans leur lettre de janvier 2012 au Conseil européen.

Il y a une alternative à l'austérité, c'est « pas d'austérité du tout » !

(1) économiste Et syndicaliste.

(L'Humanité Dimanche)

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