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Vendredi 25 Mai 2012 :
Éditorial La finance ennemi puissant Par Paule Masson L'histoire a fait naître une expression. En 333 avant Jésus-Christ, un oracle annonce que le futur roi de Phrygie, en proie à la guerre civile, arrivera sur un char et rétablirait la paix. La prophétie se réalise : Gordios, petit paysan, débarque en ville avec son char à bœufs. Zeus le fait roi. Le laboureur le remercie en lui dédiant sa charrette, qu'il attache dans l'acropole avec un nœud inextricable. Un autre oracle annonce alors que celui qui parviendrait à défaire ce nœud deviendra roi d'Asie. Alexandre le Grand fut cet homme. Il examina le nœud et n'essaya même pas de le dénouer. Il le trancha d'un coup d'épée. Depuis ces temps antiques, « trancher le nœud gordien » signifie que parfois, pour régler un problème, il faut s'y attaquer de manière radicale. Sans quoi, il paraît insoluble. Aujourd'hui, pour que la politique reprenne du pouvoir sur l'économie, il faut trancher le nœud gordien de la finance prédatrice. Comme un cadeau empoisonné laissé par l'équipe d'avant, l'hécatombe des plans sociaux pèse sur les épaules de l'équipe d'après. Beaucoup d'entreprises, au moins une vingtaine, ont attendu l'échéance présidentielle pour annoncer des destructions massives d'emplois. Le summum du cynisme est atteint avec cette incroyable petite annonce publiée dans la presse par la direction de Thomson Angers : « Recherche un ou plusieurs industriels intéressés par la reprise, totale ou partielle, des activités du site »... Les fleurons industriels seront-ils bientôt mis aux enchères sur eBay ? Thomson est un cas d'école. Au gré des multiples ventes, rachats, fusions, délocalisations, le groupe n'a cessé de changer de propriétaire et de production. Premier fabricant de téléviseurs dans les années 1990, Thomson Angers, filiale de Technicolor, produit aujourd'hui des décodeurs. L'usine est en cessation de paiement. Les salariés parlent de faillite organisée à des fins de délocalisation au Brésil. Une banque, J.P Morgan, vient de prendre 30 % du capital. Les syndicats et les élus n'ont pas manqué d'interpeller le nouveau ministre du Redressement productif pour qu'il interfère dans le dossier et impose un moratoire. Les mêmes schémas produisant les mêmes effets, le moratoire peut s'appliquer à Petroplus, Carrefour, Air France, SFR. L'occasion en est donnée à Arnaud Montebourg, qui se rend, ce vendredi, chez Fralib et LyondellBasell. Pendant son quinquennat, les promesses en l'air de Nicolas Sarkozy contre les rémunérations indécentes des actionnaires n'ont produit que du vent. « Mon ennemi, c'est la finance », a répété François Hollande pendant la campagne présidentielle. Cet ennemi est puissant. Il impose partout, et d'abord dans les entreprises, son dogme du profit maximum dans un temps minimum. Même si tout ne peut pas se régler du jour au lendemain, l'examen par les députés nouvellement élus de la loi déjà débattue au Sénat contre les licenciements boursiers serait un signal positif. C'est le voeu du Front de gauche. D'autres mesures sont nécessaires. Si on raisonne à partir des défis sociaux et environnementaux, le déclin de la production de biens et de services n'est pas une fatalité. (Voir la page 2 de l'huma)... (l'Humanité)
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