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Mardi 15 Mai 2012 :

 

Éditorial

Quelle vérité ?

Par Maurice Ulrich

Quelle impatience, au Figaro, où l'on semble attendre le président qui sera intronisé ce matin plus au tournant que de pied ferme. « François Hollande, le moment de vérité », titrait hier le quotidien de la droite qui annonçait voici peu l'apocalypse dès le matin qui suivrait le second tour. Le moment de vérité, donc... Rappelons tout de même que le quinquennat qui vient de s'ouvrir ne se réglera pas en une journée. Il est vrai que pour partie le sort de Nicolas Sarkozy s'était joué en une soirée avec ses amis du Fouquet's qui l'avaient dès lors habillé d'une tunique de Nessus dont il ne parvint jamais à se défaire. Ce n'est pas le cas de François Hollande, qui, semble-t-il, tient sa route et ne perd pas de temps puisqu'il rencontrera dès cet après-midi, comme on l'annonce sur tous les tons, la chancelière allemande.

Que nous a-t-on dit, tous ces derniers jours, sur cette rencontre qui verrait « la relance » de la croissance de François Hollande se fracasser sur les récifs de la vie courante. Un retour en quelque sorte au principe de réalité après l'euphorie d'une campagne pendant laquelle le candidat socialiste aurait tout promis. On nous avait annoncé aussi, il est vrai, que le nouveau président serait boycotté par tous les grands de ce monde. Il n'en est rien, bien au contraire, et Madame Merkel elle-même a beau se comporter en maîtresse d'école de l'Europe de la rigueur, elle n'est pas tant en position de force qu'on veut bien le dire. Pour preuve les élections en Saxe qui voient son parti, la CDU, plonger de dix points, de 35 % à 25 %, et l'Europe, ce n'est pas un pays, l'Allemagne, ou deux pays, l'Allemagne et à France, mais vingt-sept pays. Vingt-sept pays, dont la Grèce. Les prophètes des malheurs pour les peuples voient les élections qui viennent de s'y dérouler comme une calamité.

La vérité, c'est que les partis de l'austérité ont été défaits et que la gauche a réalisé une percée historique qui pourrait se confirmer encore si de nouvelles élections ont lieu. L'Europe, c'est vingt-sept pays, dont l'Espagne, où les Indignés ont repris le chemin de la Puerta del Sol, la porte du Soleil, et où le pouvoir en est réduit à la matraque et aux gaz lacrymogènes pour tenter de faire face. Belle illustration des conceptions démocratiques qui prévalent dans l'Europe des marchés et de la règle d'or qu'on voudrait nous imposer.

L'élection de François Hollande et sa prise effective de fonctions aujourd'hui sont un tournant et les attentes sont considérables. Mais ce tournant, ce sont les électeurs qui l'ont pris, dans les quatre millions d'électeurs du Front de gauche. À la différence des électorats de Nicolas Sarkozy et de Madame Le Pen, motivés par la peur, le repli, les fantasmes sécuritaires, cet électorat de gauche, dans sa masse, est un électorat conscient, déterminé. La France qui a élu François Hollande est la France du travail, dans sa diversité. Elle sait que tout n'est pas possible d'un seul coup, tout de suite, mais elle sait aussi, ou elle pressent, que la situation en France, en Europe, est trop grave pour se satisfaire de faux-semblants, de compresses, d'accommodements. Il va falloir affronter les marchés financiers et les croisés de l'austérité. En avançant, pas à pas peut-être, mais en avançant, et d'abord avec une belle victoire de la gauche et du Front de gauche les 10 et 17 juin. Un autre moment de vérité.

(l'Humanité)

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