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Dimanche 13 Mai 2012 :

 

Le jour d'après...

Par Jean-Christophe Le Duigou (1)

La période qui s'ouvre risque d'être violente sur le front de l'emploi. Le gouvernement sortant avait fait mine de s'activer pour sauver les entreprises en difficulté. Il s'agissait surtout de freiner des quatre fers pour éviter l'affichage de nouveaux plans sociaux avant l'élection ! Les annonces de réductions d'effectifs vont désormais tomber.

L'industrie est dans l'oeil du cyclone : des plans de réductions d'emplois sont attendus à PSA et chez Areva. La pétrochimie est touchée. La chimie fine et la pharmacie réduisent la voilure. Les sous-traitants de l'industrie sont durement affectés. 20 000 emplois sont menacés dans la grande distribution et agroalimentaire. Carrefour, la Fnac, Danone, Nestlé, Coca-Cola ont préparé leurs décisions. Air France a seulement différé l'annonce de la réduction de ses effectifs. 10 000 emplois pourraient être supprimés dans les télécoms. La banque est concernée. L'assurance, Groupama en tête, prend le même chemin. Des menaces existent aussi dans des secteurs comme les services à la personne ou les associations.

François Hollande avait affirmé qu'il ne laisserait pas les plans sociaux, actuellement en stock, se mettre en place en toute impunité au lendemain de l'élection présidentielle. « Avant même que des décisions irréparables soient prises, je dois, je devrai intervenir », avait-il expliqué, assurant qu'il ne laisserait pas « s'abattre sur les Français un cortège de mauvaises nouvelles ». Au lendemain du 6 mai. « Il y aura des responsabilités à prendre au sommet des entreprises », avait-il insisté.

Reste à savoir comment il interviendra. En son temps, Nicolas Sarkozy avait tenu des discours promettant qu'il interdirait telle ou telle fermeture d'usine. On se souvient notamment du cas des constructeurs automobiles qui s'étaient engagés à ne pas fermer d'établissements en échange d'aides financières. Finalement, c'est en jouant sur les plans de départs volontaires que les uns et les autres ont réussi à réduire leur masse salariale, sans que l'État n'ait jamais vraiment trouvé à y redire. La promesse de sauvetage de l'usine ArcelorMittal de Gandrange, en 2007, restera gravée dans les mémoires comme l'exemple de ce double langage.

Le nouveau président doit utiliser tout le poids de la puissance publique pour que la préoccupation de l'emploi soit intégrée dans les choix de gestion des entreprises. L'actionnaire public, dans une série de filières importantes comme le nucléaire, l'automobile, les télécoms, l'industrie navale, l'électronique, les transports, a un pouvoir d'intervention. Dans chaque cas, des alternatives aux licenciements doivent être étudiées et mises en oeuvre. État et région doivent utiliser le second levier que représentent les aides et commandes publiques aux entreprises en conditionnant leur reconduction à un comportement respectueux de l'emploi, notamment des jeunes et des seniors. C'est à cette condition que le « contrat de génération » peut prendre sens. Il faut, en troisième lieu, lourdement pénaliser les « licenciements boursiers ».

D'un point de vue social, il y a des mesures à prendre qui permettraient de passer ce cap difficile. Le recours au chômage partiel est trois à quatre fois moins important en France qu'en Allemagne. Il faut en élargir l'usage et améliorer le niveau d'indemnisation pour les salariés.

Mais il faut aller plus loin. Récemment, le PS a dévoilé une proposition de loi selon laquelle la justice serait autorisée à céder une usine au bord de la fermeture à un repreneur déclaré. Objectif, éviter que des sites ne soient pas vendus sous prétexte qu'ils deviendraient des concurrents potentiels pour le vendeur. Mais cette loi ne réglera pas le problème des sites industriels sans un repreneur. Le nouveau gouvernement ne doit pas s'interdire de mettre au pas tel ou tel financier en décidant que l'État peut s'inviter au capital de l'entreprise.

Cela dit, la renégociation du pacte européen doit intervenir rapidement. Seule une nouvelle dynamique de croissance à l'échelle de l'Europe peut enrayer cette progression prévisible du chômage.

(1 Économiste et syndicaliste.

(L'Humanité Dimanche)

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