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Vendredi 11 Mai 2012 :

 

Éditorial

Ne rien lâcher

Par Jean-Paul Piérot

La séquence électorale du printemps 2012 entre maintenant dans une nouvelle étape. Après avoir mis fin à l'expérience sarkozyste, à cinq années qui parurent souvent plus longues qu'un siècle, le peuple a devant lui une nouvelle tâche : remettre la représentation nationale aux normes de ses espérances, poursuivre à l'égard du Palais Bourbon le travail de salut public qu'il a entamé en ne renouvelant pas le bail du locataire de l'Élysée. À mi-parcours, le monde du travail, les jeunes en quête d'avenir moins déprimant que celui promis par les chantres de la précarité, les familles stigmatisées honteusement en raison de leur situation sociale ou de leurs origines géographiques – la majorité de la France, en fait – ont remporté une première manche. Qui n'a pas constaté l'immense soulagement que la victoire de François Hollande sur Nicolas Sarkozy a provoqué dans nos cités ? Les dernières semaines de la campagne de la droite, orchestrée par le « politidéologue » d'extrême droite Patrick Buisson, avaient pollué l'atmosphère du venin de la division et de l'intolérance, jusqu'à la rendre irrespirable.

Cette victoire n'aurait pas été possible – les résultats du second tour l'attestent irréfutablement – sur les quatre millions d'électrices et d'électeurs qui se sont reconnus, au premier tour, dans le nouveau langage et les propositions politiques qui ont émergé dans la campagne grâce au Front de gauche. Si on respire mieux aujourd'hui, on le doit pour une part décisive aux plus de 11 % de voix qui se sont portées sur Jean-Luc Mélenchon puis se sont reportées, sans rien en rabattre sur leurs exigences élevées de changement, sur François Hollande, qui avait recueilli 28 % le 22 avril.

La contribution irremplaçable du Front de gauche à la défaite de la droite ne s'exprime pas, loin s'en faut, qu'en termes arithmétiques. Elle a pris une forme concrète en imposant dans le débat des thèmes et des propositions qui auraient été occultés, voire totalement absents des échanges entre le candidat de l'UMP et celui du Parti socialiste. La proposition de porter le Smic à 1700 euros avait été portée par le Front de gauche, alors que François Hollande n'évoquait aucune augmentation du salaire minimum. Le président élu s'apprête aujourd'hui à accorder « un coup de pouce ». Jean-Luc Mélenchon propose une hiérarchie des salaires n'excédant pas un à vingt dans toutes les entreprises. La mesure devrait être mise en oeuvre dans les sociétés du secteur public, énonce aujourd'hui le programme du président ; un premier pas dont il serait incompréhensible qu'il ne fût pas étendu aux stars du CAC 40. Hier matin, au micro de France Inter, Michel Sapin, cheville ouvrière du projet présidentiel, évoquait un système de sanctions qui rendrait « extrêmement onéreux » le recours aux licenciements boursiers, en écho au projet du Front de gauche de les interdire.

La dégradation de la situation économique et sociale dans un pays affaibli par cinq années de sarkozysme et la crise que provoquent dans toute l'Europe les plans d'austérité ne laisseront aucun répit au nouveau président et à la majorité qui sortira des élections législatives des 10 et 17 juin. C'est peu dire que les enjeux d'aujourd'hui réclament une majorité de gauche large et déterminée, fidèle au monde du travail, en d'autres termes, où les député-e-s du Front de gauche pèseront d'un poids déterminant pour ne rien lâcher de ses engagements.

(l'Humanité)

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