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Jeudi 3 Mai 2012 :

 

Harfleur la contestataire

Politique. Dans la cité communiste, le premier tour de la présidentielle a fait la part belle à Le Pen et Mélenchon. Ambiance dans le quartier de Beaulieu, à trois jours du scrutin décisif.

« Ici, il y a deux choses dont on ne parle jamais : la religion et la politique. » Denis Durand, patron du bar Le Beaulieu à Harfleur, prévient avec humour, mais n'exagère pas tant que ça. À quatre jours du choix décisif entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, les candidats à la parole décomplexée ne sont pas légion sur la place Guy-de-Maupassant, en plein coeur des immeubles d'Harfleur Beaulieu. « Ce n'est pas facile d'en parler », confie avec prudence le marchand de journaux. « On sait juste que les gens en ont marre. »

« Quatorze ans de Mitterrand, on a compris notre douleur ! »

Lors du premier tour de l'élection présidentielle, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont partagé respectivement la deuxième et la troisième place dans un mouchoir de poche et avec des scores largement supérieurs à leurs moyennes nationales. « Les Harfleurais ont exprimé une envie de bousculer le système libéral actuel », constate le maire communiste François Guégan. Ce dernier s'attache avant tout à saluer « la percée spectaculaire » du Front de gauche, le score du FN étant associé à « un transfert de voix » perdues à l'UMP. « la banalisation des thèmes de l'extrême droite par le président a joué un rôle considérable » dans le résultat du Front National, estime l'élu.

« Ici, les gens ont toujours voté aux extrêmes, droite et gauche », raconte la pharmacienne de la place Maupassant, présente depuis 23 ans dans ce quartier à la fois très populaire et bordé de zones pavillonnaires.

« Nous ne sommes pas particulièrement touchés par les problèmes de délinquance et d'immigration. Mais le vote FN ne me surprend pas : ici, on voit de plus en plus souvent des personnes qui n'ont même plus les moyens de se soigner. » Dimanche, la professionnelle de santé ira voter, mais sans conviction. « Cette campagne manque vraiment de hauteur, c'est à vomir ! »

François Guégan se veut « très confiant » quant à la participation, lui qui appelle ouvertement à voter Hollande.

« C'est une première étape pour un réel changement, même si son programme nous paraît trop timide sur bien des points. » Au zinc du Beaulieu, la parole des habitués se libère quand même un peu. À l'idée de voter socialiste, Didier, retraité, se lâche. « Quatorze ans de Mitterrand, on a compris notre douleur ! Sarkozy a l'affaire en main, autant lui laisser. » Mais Jean-Luc Mélenchon, lui, n'a pas digéré « la hausse du coût de la vie alors que le Smic brut n'a augmenté que de 2 % ». L'argument résonne particulièrement aux oreilles de Denis Durand. S'il reconnaît ne pas voter, le patron de bar n'en affiche pas moins une tendance fondée sur un pragmatisme imparable. « Nous, commerçants, en général, on vole plutôt socialiste. Parce que si l'ouvrier à des sous, on a des sous. »

Thomas Dubois

(Havre libre)

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