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Lundi 16 Avril 2012 :
Budget européen : l'entourloupe sarkozyste Par Francis Wurtz (1) « Je vous annonce que la France demandera à ce que sa contribution au budget européen soit gelée, ce qui représentera une économie de 600 millions d'euros par an », a claironné le président candidat, à deux semaines d'une élection qu'il sait difficile pour lui. Pour la plupart des observateurs, Nicolas Sarkozy espère, par ce type de propos, « réconcilier la France du non avec celle du oui ». Pour faire clairement partie de la première, je me crois autorisé à dire tout le mépris que m'inspire cette opération à tous égards démagogique. D'abord, dans la phrase prononcée par le chef de l'État, chaque expression contient une inexactitude calculée. Ainsi, en fait d'annonce, cela fait en réalité déjà 16 mois que Nicolas Sarkozy, avec Angela Merkel et le très réactionnaire premier ministre britannique, David Cameron, flanqués pour l'occasion de quelques autres chefs de gouvernement conservateurs, se font, ensemble, des hérauts du gel (hors inflation) du budget européen jusqu'en 2020. Pour prétendre séduire des partisans du non de gauche, il y a meilleur affichage ! C'est pourquoi Nicolas Sarkozy le tait. De même, affirmer que la contribution française devra être gelée vise à flatter le non de droite, nationaliste, mais cela ne correspond pas à la réalité : la négociation du budget européen se menant, côté Conseil, à 27 États, c'est au gel global du budget européen que veulent aboutir les trois poids lourds de l'UE et leurs alliés. Quant à l'économie de 600 millions d'euros promise, elle est purement virtuelle, puisqu'elle est calculée par rapport à la proposition faite par la Commission européenne à l'ouverture de la procédure budgétaire, qui n'est jamais adoptée telle quelle à l'arrivée ! D'ailleurs, un gel des dépenses, par définition, ne représente pas une économie, mais un statu quo... Mais l'essentiel est ailleurs. Demander le gel d'un budget européen atteignant péniblement 1 % des richesses produites tout en soutenant le modèle européen en vigueur n'a guère de sens. C'est ce qui est fait de cet argent qui pose problème ! Or, de cela, Nicolas Sarkozy ne dit mot, et pour cause ! Tenté d'orienter la colère de citoyens écrasés par la politique d'austérité vers la contribution française au budget européen est d'autant plus malhonnête de sa part que celle-ci est, en définitive, très faible. La France verse, certes, 19 milliards d'euros à Bruxelles (chiffres de 2011), mais reçoit presque l'équivalent (dont 10 milliards au titre de la seule PAC). Le solde effectif tourne autour de... 0,1 à 0,2 % des richesses produites chaque année ! Où serait sans cela l'esprit de solidarité que revendique la commission européenne ? Autre mensonge par omission du président de la République : le silence sur la ristourne concédée chaque année à la Grande-Bretagne depuis 1984, quand les dirigeants européens de l'époque ont honteusement cédé au chantage de madame Thatcher, dont Nicolas Sarkozy s'inspire aujourd'hui. La France a ainsi reversé à Londres, l'an dernier, la coquette somme de... 823 millions d'euros (et même 4 milliards en 2010 !) Bien plus donc que les économies fictives brandies par le candidat dans son accès de populisme électoral. La morale de cette histoire, c'est que le non de gauche à l'Europe actuelle, celui qu'incarne le Front de gauche, n'est en aucun cas récupérable par des appels au repli égoïste. L'Europe nouvelle que nous voulons repose sur des valeurs décidément non solubles dans le sarkozysme. (1) Député honoraire du Parlement européen. (L'Humanité Dimanche)
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