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Mardi 10 Avril 2012 :

 

Éditorial

Cloches et chocolat

Par Patrick Apel-Muller

Sans permis, on est chocolat. C'est sans doute ce qui a valu à la formation à la conduite d'être la vedette du week-end pascal. Le sujet n'est pas négligeable et des chômeur, dont le nombre n'a cessé de s'accroître sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le savent bien. Dans une famille populaire, il faut plus d'un mois de salaire au Smic pour permettre à un enfant de dix-huit ans d'acquérir non pas le sésame mais ce laisser-passer vers les entretiens d'embauche. C'est alors une charge écrasante, quand c'est seulement un rite de passage à l'âge adulte dans les familles fortunées, où l'on offre souvent les clés d'une voiture en guise de félicitations. Aller au plus vite vers la gratuité totale de cet examen, intégrer, dès la rentrée, la formation au code dans le cursus scolaire sont des mesures nécessaires. Le champ de la responsabilité publique et l'espace de solidarité vont bien au-delà des domaines où ils sont cantonnés aujourd'hui. Le droit au transport, à l'énergie, à l'eau, à la culture... sont autant de domaines qui ne devraient pas souffrir l'entrave de la loi de l'argent, de cette conception de la vie si pauvre qui faisait dire à Nicolas Sarkozy « la concurrence, c'est la vie ». Comme si l'humanité se réalisait dans la loi de la jungle et la défaite ! Faut-il ajouter qu'un papier, même rose, ne suffit pas à assurer stabilité et garanties sociales à des millions de jeunes

précaires ?

Puisqu'il est question de Pâques, parlons de cloches. Elles ont sonné à toute volée ces derniers jours, sans doute agitées par le vent qui souffle avec le Front de gauche. Nicolas Sarkozy a brandi la menace Mélenchon afin que se blottissent autour de sa candidature les électeurs centristes effarouchés et ceux de l'extrême droite que meut la phobie du rouge. Marine Le Pen, que les sondages placent désormais en quatrième position, ne peut plus toiser de haut le candidat du Front de gauche, aussi multiplie-t-elle les coups bas, réunion après réunion. Eva Joly et Daniel Cohn-Bendit ont également joué cette partition, avec l'espoir que le PS leur en serait reconnaissant et conserverait alors des sièges de députés à leur formation mal partie dans la compétition présidentielle. À l'ouverture de la campagne officielle, c'est Jean-Luc Mélenchon qui a secoué le scénario du bipartisme, jugulé la menace frontiste et rendu possible qu'enfin les « invisibles » soient entendus. Nicolas Sarkozy et François Hollande préfèrent limiter les risques en refusant les débats que justifieraient violences de la crise économique et la portée des choix en jeu. Pour autant, les électeurs sentent bien que la gauche se renforce côté Front de gauche et qu'elle trouve dans cet élan ses meilleures chances de victoire.

La partie n'est pas finie et ils sont bien téméraires ceux qui décrètent leur programme à prendre ou à laisser. La politique est affaire de rapports de forces et ils bougent aujourd'hui. Comment le candidat socialiste pourrait-il rester sourd à l'opinion d'une nette majorité de ses électeurs qui trouvent « justifiée », selon notre sondage CSA, une augmentation du Smic à 1700 euros si les forces du Front de gauche ne cessent de croître et de se multiplier ? Des élections législatives feront suite à la présidentielle et décideront de la future politique gouvernementale. Et sans doute peut-on parler que bien des citoyens, échaudés par des épisodes précédents, choisiront d'amplifier par leur mobilisation les dynamiques enclenchées dans les urnes.

(l'Humanité)

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