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Jeudi 5 Avril 2012 :
Éditorial Le rendez-vous Capitole Par Patrick Apel-Muller « Choisir ! C'est l'éclair de l'intelligence », écrivait Balzac. Un grand mouvement populaire est en train de faire le choix de repousser la résignation, de résister aux chantages qui font jouer les utilités aux électeurs qui y cèdent, d'oser penser hors des dogmes de la pensée unique. « La progression de Mélenchon change la donne à gauche », reconnaît aujourd'hui le Monde. Mais ce n'est pas tout. Le centre de gravité de la vie politique française se déplace. Marine Le Pen, il y a quelques mois, drainait à sa suite un essaim qui la prenait pour la reine. Une petite cour médiatique lui avait offert le menu peuple en tribut pour sa prétendue modération. Un conseiller de l'Élysée, amateur d'obscurité, écrivait pour le président une partition qui singeait l'extrême droite. François Bayrou en rajoutait sur les politiques d'austérité et semblait aimanter le candidat socialiste. L'échafaudage a chu. Il n'est plus possible de rogner en rond tous les budgets publics et tous les comptes sociaux. Une force gonfle l'influence de la gauche, rend malaisés les désertions ou les reniements en son sein et bat en brèche les idées reçues de la rigueur. Moyennant quoi, le Modem s'étiole, le FN s'étrangle, l'UMP s'inquiète de voir le Front de gauche tirer l'attelage France vers plus de justice et plus d'égalité. Une peur – ne parlons pas de « terreur »... - a saisi Laurence Parisot, qui court les plateaux comme celui de France 2 ce matin pour combattre ce qui dérange la sarabande des accapareurs. La Bastille a consacré cet avènement. Peut-être le rassemblement au coeur de Toulouse, au Capitole vers quoi battent les artères de la région, marque-t-il aujourd'hui une nouvelle accélération de la campagne du Front de gauche. Dans la ville Jaurèsienne, le rendez-vous n'est pas seulement celui d'une visée politique. Il est aussi l'émergence d'une citoyenneté nouvelle, de ce peuple que les milieux dirigeants veulent rendre invisible, de « cette multiplicité broyée et qui rend des flammes », selon le mot d'Antonin Artaud. L'exception française, les idéaux de la Résistance, la gauche rebelle se sont réveillés. Probablement pour longtemps. François Hollande remet un peu de rose dans sa campagne mais la coloration reste bien pâle. Trop pour susciter l'enthousiasme et répondre aux attentes de l'opinion. Avec autant d'angles morts – le Smic à 1700 euros, la relance des services publics, la retraite à soixante ans pour tous... - ne risque-t-il pas de susciter de lourdes déceptions ? Une majorité de Français attend autre chose que des propos rassurants pour la City de Londres. Déjà la montée du Front de gauche a conduit les dirigeants socialistes à ne plus le traiter avec dédain. Le franchissement d'un nouveau palier les conduirait à oser des changements qui ne seraient pas seulement de locataire de l'Élysée. Dix-sept jours avant le premier tour, il reste à tous les militants de cette espérance, les communistes, ceux du PG ou de la GU, ceux qui les ont rejoints, ceux qui se découvrent des envies d'agir et inventent leurs façons de faire, à amplifier encore le mouvement, à dialoguer avec leurs proches, à mobiliser les abstentionnistes, à décider les indécis. Cette politique-là, loin des enveloppes délivrées par les majordomes et les calculs de carrière, a de l'avenir. (l'Humanité)
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