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Mardi 27 Mars 2012 :
Éditorial Un nouveau militantisme Par Jean-Paul Piérot De l'engagement du monde du travail et des couches populaires dépendront l'issue de l'élection présidentielle des 22 avril et 6 mai et du scrutin législatif un mois plus tard. Cet engagement ne se mesurera pas seulement en termes globaux de participation électorale – en règle générale plus élevée que dans les autres consultations. Toute la question est de savoir si les électeurs qui ont le plus d'aspiration à un changement de cap, le plus besoin d'une amélioration rapide et durable de leurs conditions de vie, auront confiance dans la portée d'un bulletin de vote. Trop longtemps, les taux élevés d'abstention dans les quartiers populaires et dans les régions industrielles en crise ont relativement gonflé le pourcentage de votes désespérés conduisant à l'impasse, et finalement à la perpétuation de politiques socialement injustes. « Place au peuple », ce mot d'ordre que l'on peut lire sur les affiches de Jean-Luc Mélenchon exprime cette obsession du Front de gauche à intégrer ou à réintégrer dans le débat politique toute une partie de l'opinion que d'autres voudraient condamner à l'impuissance. Que de thèses fumeuses avons-nous entendues en début de campagne sur ces ouvriers prétendument perdus dans le marigot du Front national, sur ces habitants des « zones sensibles », comme certains commentateurs osent désigner les quartiers populaires des banlieues, qui auraient définitivement abdiqué de leurs droits de citoyens ? Hier, la fondation Terra Nova conseillait à un candidat socialiste d'abandonner les classes populaires et de se recentrer sur les « classes moyennes ».Aujourd'hui, l'instrumentalisation honteuse des crimes de Toulouse et de Montauban vise à discréditer la population issue de l'immigration, « des musulmans d'apparence » selon l'expression indigne d'un président de la République (qui en est pourtant l'auteur). La candidate du FN se livre à un appel au lynchage en désignant parmi les immigrés qui arrivent en France des Mohamed Merah en puissance. La campagne du Front de gauche a déjà fait reculer un certain nombre de présupposés aussi imbéciles que méprisants. Mélenchon n'est plus traité de « populiste » par des éditorialistes en mal d'inspiration, et est reconnu dans l'opinion comme le candidat qui défend le mieux les ouvriers. Mais dans les quartiers populaires aussi un air de printemps citoyen fait tout doucement reculer un trop long hiver politique. Dans les assemblées citoyennes créées partout dans le pays, des jeunes et moins jeunes habitants des « cités » font l'apprentissage d'un militantisme nouveau. Cette reprise de confiance dans la politique n'aurait pas été possible sans le travail de fourmi des militants du Front de gauche pour inviter au débat sur leur programme qui place l'humain d'abord. Des électeurs n'auraient pas trouvé dans l'offre politique des autres candidatures l'envie de se bouger et même, pour certains d'entre eux, d'aller voter. Le vote n'est pas qu'un acte individuel d'un électeur seul face à un système. Il se structure en prenant conscience qu'on appartient à une catégorie, à une classe, qu'ensemble on est plus forts. C'est ce processus de solidarisation qui se joue dans des quartiers où se concentrent les effets de la démolition sociale. (l'Humanité)
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