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Lundi 26 Mars 2012 :

 

Éditorial

Cahiers de doléances

Par Michel Guilloux

Le Smic à 1700 euros, 35 heures pour tous, réquisition des logements vides, transports gratuits pour les jeunes, relocalisation de la production agricole, interdiction des licenciements boursiers... Ce ne sont là que quelques-unes des propositions élaborées ce week-end du côté des Alpes, à Échirolles. Durant une journée, des centaines de citoyens se sont réunis pour faire valoir leur propre cahier de doléances pour ces élections, et au-delà. Si l'on cherche, avec la capacité de son candidat à faire chambre d'écho aux luttes et à son propre programme, « l'Humain d'abord », à comprendre la « dynamique » du Front de gauche, c'est bien de ce côté-là. Le peuple reprend goût à la politique et commence à le faire savoir, au travers de centaines de réunions de ce type, engagées depuis des mois dans tout le pays. Cette lame de fond, qui s'appuie sur la montée des exigences nées du mouvement des retraites de 2010 et des luttes qui ont fait irruption dans le débat politique, s'est rappelée au bon souvenir du candidat socialiste lui-même retrouvant quelques accents de son discours inaugural du Bourget, hier en Corse, pour évoquer « toutes les urgences qui sont là, qui nous sont rappelées : les petites retraites, le pouvoir d'achat, la précarité, le chômage, les inégalités... ».

Ce même week-end, les relais des forces de l'argent se faisaient eux aussi écho par médias interposés.

« Plus d'argent rassurerait les marchés ; à tort ou à raison, de gros chiffres apaisent », lance benoîtement le président du Fonds européen de stabilité financière, dans un entretien publié dans la presse allemande. Autrement dit : accroître les fonds du mécanisme européen de stabilité, dont le pendant est la superaustérité instituée par le traité européen inspiré par le couple Merkel et Sarkozy. À Paris, le secrétaire général de l'UMP rappelle la feuille de route que son candidat et sa formation entendent bien appliquer, s'ils n'étaient pas battus en mai et juin prochains : poursuite de la baisse du nombre de fonctionnaires, financement des mesures annoncées par le candidat des riches par de nouvelles coupes claires dans le budget de la nation, et extension de ladite superaustérité aux « collectivités locales de la Sécurité sociale ».

Alors « plus d'argent » pour ceux qui entraînent notre société et le monde du travail à l'abîme ? Ou pour ceux dont le savoir-faire les nourrit et qui sont la clef du redressement du pays ? « C'est aussi bien dans votre poche », interpelle un tract de quatre pages de la CGT qui va être distribué à un million d'exemplaires. La confédération syndicale y rappelle, par exemple, qu'en 2010, 210 milliards de profits des entreprises non financières ont ainsi été distribués à leurs actionnaires, dépassant ainsi largement leurs investissements.

Oui, l'urgence dans notre pays est d'augmenter les salaires à partir du bas de l'échelle et de poser une limite à ceux de ces patrons qui n'en ont aucune. On songe en premier lieu à ces nababs du CAC 40 qui se sont taillé des hausses de 34 % en cinq ans. Desserrer la tenaille des banques et donneurs d'ordres qui étrangle les PME, instituer un pôle financier public, réévaluer le montant des pensions sont autant de revendications qui rejoignent les exigences qui doivent être mises à l'ordre du jour d'un changement à construire dès le printemps prochain. Ce dernier passe par une chambre des députés dans laquelle doivent compter ceux qui veulent être les porte-voix de ce peuple qui devra continuer à faire entendre sa voix. Il implique aussi des droits nouveaux pour les salariés dans les entreprises. Là encore, au contraire des choix de la bande du Fouquet's et de son candidat.

(l'Humanité)

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