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Dimanche 25 Mars 2012 :
Impôts : comment faire payer le CAC 40 ? Par Jean-Christophe Leduigou (1) Les groupes du CAC 40, qui ont engrangé 74 milliards d'euros de bénéfices en 2011, vont distribuer 36 milliards de dividendes. Combien ces grandes entreprises paieront-elles d'impôts ? Tout dépendra, comme disent les spécialistes, du jeu de « l'optimisation fiscale », pratique courante dans les sociétés du CAC 40 qui, malgré le taux de l'impôt en France, arrivent à faire des miracles avec les dispositifs fiscaux existants. Le géant pétrolier Total a ainsi été au coeur de la polémique ces dernières années, alors que, malgré des bénéfices astronomiques, le groupe échappait à l'impôt sur les sociétés. Le régime du bénéfice mondial consolidé, le report illimité des pertes, le crédit impôt-recherche ou la déductibilité des intérêts d'emprunt permettent en effet aux grands groupes de limiter largement leurs versements au Trésor. Par ailleurs, certains s'adonnent à des pratiques à la frontière de la légalité, comme le fait de déclarer, via les filiales, un maximum de bénéfices dans les pays où ils sont peu imposés et, à l'inverse, de les minorer artificiellement là où ils sont les plus taxés... En 2009, un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires avait calculé que les sociétés du CAC 40 étaient en moyenne imposées à hauteur de 8 % de leurs bénéfices, contre 33 % normalement et 22 % pour les PME. Cette année-là, Danone, Suez Environnement, Saint-Gobain ou encore Schneider avaient échappé à l'impôt sur les sociétés ! Faisant mine de découvrir, à la toute fin de son quinquennat, que les entreprises du CAC 40 « maximisent les avantages fiscaux » et qu'une partie d'entre elles « ne paient pas du tout d'impôts », le président candidat a dit vouloir remédier à cette anomalie par un « impôt minimum » qui rapporterait selon lui « deux à trois milliards d'euros de recettes nouvelles par an ». Le constat n'est pourtant pas nouveau : « Le niveau d'imposition des plus grandes entreprises est significativement plus faible que celui des PME », résumait l'an dernier dans un rapport parlementaire le député UMP Gilles Carez, évoquant « une différence de pression fiscale pouvant aller du simple au triple ». Le candidat de l'UMP s'est montré vague sur l'assiette, le champ et le taux de cet « impôt minimum » se bornant à évoquer les entreprises du CAC 40 comme critère non exclusif. Cet impôt pourrait viser les entreprises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros et dont le siège social est en France. Elles devraient obligatoirement verser un impôt sur leur chiffre d'affaires mondial. Les experts se montrent réservés quant à l'efficacité de cet outil. « Les multinationales peuvent facilement délocaliser leur siège social, par exemple au Luxembourg », affirme l'un d'entre eux. Le programme de François Hollande, qui prévoit une modulation du taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de la taille de l'entreprise (15 % pour les très petites, 30 % pour les petites et moyennes et 35 % pour les grandes), ne répond pas à la question puisque le problème est celui de la base imposable de sa localisation. Les groupes qui affichent, grâce aux niches, un bénéfice fiscal égal à zéro continueraient à échapper à l'impôt. Comment faire ? À moyen terme, la lutte contre les « paradis fiscaux » est essentielle. À court terme, la seule solution est de discuter, « bâton en main », avec chacun de ces groupes, comme l'a fait en son temps l'administration américaine avec les firmes qui refusaient de rapatrier leurs bénéfices aux États-Unis. Ces firmes sont aussi celles qui bénéficient de la majeure partie des aides économiques aux entreprises, qui profitent des commandes publiques, de la recherche publique. L'État peut exiger que ces entreprises fassent des choix industriels et financiers favorables à la France, en contrepartie de tous les avantages dont elles bénéficient. C'est une question de volonté politique et d'organisation de l'action de la puissance publique. (1) Économiste et syndicaliste. (L'Humanité Dimanche)
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