> Presse  —>La « drôle de campagne» a succédé à la campagne

 

Mercredi 21 Mars 2012 :

 

La « drôle de campagne » a succédé à la campagne

Si la plupart des candidats ont annoncé la suspension de leur campagne, le débat politique ne s'est pas interrompu pour autant, certains refusant le risque d'instrumentalisation.

La plupart des responsables politiques ont annoncé qu'ils suspendaient temporairement leurs initiatives de campagne, dès lundi soir, après le drame de Toulouse, pour laisser le temps au recueillement. Une « non- campagne » qui s'est vite transformée en drôle de campagne qui ne dit pas son nom, à l'occasion des hommages rendus aux victimes et des commentaires qui les ont accompagnés. La décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de « neutraliser » - c'est-à-dire de s'abstenir de décompter dans le temps de parole des candidats et de leurs soutiens – toutes les déclarations liées au drame de Toulouse, a sans doute accentué le phénomène au lieu de le freiner, favorisant de facto la parole présidentielle et gouvernementale dans une période où Nicolas Sarkozy a tout à gagner à se montrer en « président protecteur », relevaient les commentateurs hier matin.

La polémique n'a de toute façon pas tardé à rebondir après les propos de Nicolas Sarkozy tenus dans un collège parisien, ce matin, forçant le trait quand il a invité les élèves à s'imaginer à la place des enfants victimes du tueur de Toulouse, en leur suggérant que « ça aurait pu se passer ici ». Une manière inappropriée de « parler à des enfants », pour l'écologiste Cécile Duflot.

Mais ce sont surtout les appels à réaliser « l'union nationale » de François Hollande ou des proches de Nicolas Sarkozy, et à mettre ainsi sous l'éteignoir le questionnement politique sur ce qui peut encourager le passage à l'acte de meurtriers racistes, qui ont été rejetés par une part des candidats. Ceux-ci distinguent ce qui relève du nécessaire débat politique, et de l'indispensable solidarité et de la compassion envers les victimes.

Ainsi de Jean-Luc Mélenchon, pour qui « il ne faut pas mettre notre bouillante démocratie entre parenthèses du fait d'un odieux dégénéré », le candidat du Front de gauche prévenant, à la suite de récents propos inacceptables de la droite et du FN : « Chacun doit dorénavant faire attention à ses citations. » François Bayrou a aussi refusé de faire une pause dans sa campagne, dénonçant les responsables politiques qui stigmatisent les gens selon « les origines » et « font flamber les passions ». Quant à Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), elle a déclaré que « (sa) compassion et (sa) solidarité à l'égard des proches des victimes ne créent pour autant aucune "solidarité nationale" avec Marie Le Pen, Sarkozy, Guéant et bien d'autres ».

Sébastien Crépel

(l'Humanité)

  haut de page