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Dimanche 18 Mars 2012 :
Rupture conventionnelle, un leurre qui fonctionne à plein régime Par Gérard Filoche, inspecteur du travail. Il traîne toujours cette vieille idée réactionnaire dans les discours des meetings de l'UMP et de Sarkozy que les chômeurs sont chômeurs parce qu'ils le veulent bien, parce qu'ils ne veulent pas travailler, parce qu'ils refusent, sans motif, les boulots qu'on leur propose. Mais alors pourquoi l'UMP et le patronat ont-ils créé la rupture conventionnelle du contrat de travail qui permet que les chômeurs le soient devenus à la suite d'une rupture de contrat... « sans motif » ? Pourquoi avoir organisé, depuis octobre 2008, un gigantesque système poussant des centaines de milliers de salariés à quitter leur boulot par rupture non justifiée ? Instaurée sous la pression du Medef de la célèbre Mme Parisot dans la loi Bertrand d'août 2008, décret appliqué le 1er octobre 2008, la rupture conventionnelle permet à un patron et un salarié de se « séparer » (sic), de rompre leur contrat, sans qu'une « cause réelle et sérieuse » ne soit nécessaire. La séparation se fait par accord tacite, et le salarié a droit à une indemnité et à l'assurance chômage. Depuis octobre 2008, 250 000 ruptures conventionnelles par an ont été conclues, sans doute 900 000 à ce jour. C'est le plus grand « plan pas social » de ces trois dernières années, la plus grande machine à pourvoir le Pôle emploi, un déferlement organisé et quasiment sans aucun contrôle. Il suffit de signer un papier, d'attendre un délai de 15 jours pour valider si les services de l'inspection du travail ne disent rien. Et hop, emballé, vous voilà chômeur, sans plan social, sans obligation de reclassement, sans formation... Les patrons dégraissent ainsi leurs effectifs de façon préférentielle, aux frais de Pôle emploi, qui verse ensuite les allocations chômage. Ils mettent le couperet sur la nuque du salarié qui n'a pas vraiment le choix et qui signe. Parfois, certains passent ainsi en dessous du seuil de 50 salariés pour ne pas mettre en oeuvre le « plan social ». D'autres proposent un pont d'or pour se débarrasser d'un délégué syndical trop entreprenant. Tous s'épargnent les obligations liées au licenciement et les reportent sur les services de Pôle emploi. Il faut protéger l'emploi. Pas faciliter le chômage. Et non seulement établir une nouvelle forme ad hoc de contrôle des licenciements abusifs et sans cause réelle et sérieuse, mais interdire ce genre de pratique de « ruptures conventionnelles » si défavorables aux salariés. (L'Humanité Dimanche)
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