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Jeudi 15 Mars 2012 :

 

Éditorial

« Contamination »

Par Jean-Emmanuel Ducoin

Nous étions prévenus. Dans la phase d'accélération de sa campagne menée à un train d'enfer avec la stratégie de ceux qui jouent leur va-tout, Nicolas Sarkozy tente d'occuper le devant de la scène médiacratique en promettant tout et n'importe quoi, quitte à se contredire ouvertement ou à prendre à contre-pied la plupart de ses ministres... Après la séquence « Sarko l'Européen », sauveteur de l'euro et volontairement complice d'Angela Merkel dans la mise au pli d'austérité contre les peuples, voici une autre séquence, celle adressée au peuple de cette France qui souffre, pourfendeur des élites sans patrie ni frontières et, mieux encore, se transformant en agresseur en chef des riches exilés fiscaux... On aura tout vu.

Son but ? Si l'on en croit son conseiller Patrick Buisson, ex-porte-plume à Minute, le prince-président aura décidé de s'adresser à la France du non de 2005 pour « retrouver l'écoute » des catégories populaires. Et que voulez-vous, Sarkozy lui-même a fini par constater que les arguments du Front de gauche progressaient dans l'opinion. Alors ? Comme on se sert dans un libre-service, il a décidé de promettre qu'il taxerait les exilés du fisc, une idée qu'il a combattue toute sa vie. Il n'a aucune crédibilité ? Au point où il en est, plus rien ne devrait nous étonner. Sarkozy est l'incarnation de ce qu'il y a de pire dans cette époque idolâtre, sans scrupule, truqueuse et tribale. En 2007, il abaissait scandaleusement le bouclier fiscal pour que son ami Johnny revienne dans l'Hexagone. Cinq ans plus tard, le chanteur s'exhibe toujours à l'étranger et Sarkozy veut nous faire croire qu'il est converti à l'idée de lui faire les poches ? Quel toupet ! Qu'il nous explique pourquoi le gouvernement a refusé, en 2010 et en 2011, un amendement du PS allant exactement dans le sens de la proposition qu'il vient de formuler. « C'est une conception qui va à rebours de l'histoire », déclarait à l'époque François Baroin, ministre du Budget. Si l'heure n'était pas grave, nous pourrions éclater de rire. Laissons cela aux Guignols de l'info, qui, en ce moment, font dire à la propre marionnette du candidat-président : « Sarkozy démission ! » On ne saurait mieux expliquer ses tête-à-queue aux visées sondagières...

À ce propos, à la faveur des différentes enquêtes d'opinions, un peu moins éblouissantes que d'ordinaire, François Hollande semble vouloir viser une double stratégie : d'un côté, réactiver le réflexe anti-Sarkozy ; d'un autre côté, d'ores et déjà évoquer le sempiternel « vote utile », comme s'il voulait renvoyer un certain concurrent au rôle de « candidat de témoignage ». Le piège est non seulement grossier, mais cette création mécanique habilement utilisée pour favoriser le bipartisme risque, cette fois, de se détraquer.

À moins de quarante jours du premier tour de la présidentielle, tout homme de gauche ferait mieux de se réjouir d'un point important de la campagne : la contamination idéologique des idées du Front de gauche ne se dément pas, bien au contraire.

Jean-Luc Mélenchon, véritable candidat anti-« vote utile » pour l'instant, pointe désormais à 11 % dans un nouveau sondage. Ne nous y trompons pas. La « méchenlonisation des esprits », comme il l'explique lui-même, « accrédite et fortifie la radicalité concrète » de ses propositions. Chaque mot récupéré, chaque expression pillée sont autant d'écho au programme du Front de gauche. Et croyez-nous. Ce n'est qu'un début.

(l'Humanité)

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