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Mardi 13 Mars 2012 :
Les pays développés ont besoin de l'acier ! Par Jean-Christophe Leduigou (1) ArcelorMittal a déjà mis en sommeil plusieurs installations sidérurgiques européennes et décidé la fermeture des usines de Gandrange, de Liège et de Madrid. Les hauts-fourneaux de Florange sont « provisoirement arrêtés ». Les récents « engagements » de Lakshmi Mittal laissent largement sceptique. Avec raison ! La restructuration engagée par ArcelorMittal se fait sous la pression des marchés financiers. Le premier plan de réduction des capacités de production en Europe, annoncé en 2008, ne satisfait pas des marchés financiers qui considèrent que l'Europe n'a plus sa place dans la production d'acier. Pourtant, bien qu'endetté, le groupe ne semble pas aux abois ! En 2011, ArcelorMittal a réalisé un chiffre d'affaires en hausse de 20,4 % par rapport à 2010. La marge brut s'est établie à 10,1 milliards de dollars, en augmentation de 18 % Le nouveau plan qui est engagé consiste à concentrer la production d'acier sur les seuls sites « au bord de l'eau ». La raison avancée est la plus grande facilité offerte par la voie maritime pour l'approvisionnement en minerai de fer et en charbon. Selon la direction, ces fermetures permettraient des réductions de coûts et contribueraient à une plus grande compétitivité. Pour les produits longs, l'objectif est le même, avec la fermeture d'usines électriques. Importer du minerai et du charbon pour, au final, exporter de la ferraille n'est ni une bonne politique économique ni une bonne stratégie industrielle. C'est une politique de Gribouille. L'économie théorique qu'apporteraient les fermetures d'usines doit être comparée aux coûts sociaux et environnementaux du démantèlement de sites industriels qui existent parfois depuis plus de 100 ans. Les seuls coûts de dépollution des sols représentent 10 à 20 fois les économies escomptées. De plus, ArcelorMittal risque de perdre l'atout que représente la proximité des centres de consommation de l'acier. Or, cette proximité est indispensable aux partenariats industriels avec les clients qui sont fréquents dans la sidérurgie pour établir une relation de proximité qui permet de contrer efficacement les importations. Ce plan masque mal le désengagement industriel d'Europe par ArcelorMittal qui veut accroître ses investissements dans l'amont minier plus rentable. ArcelorMittal néglige clairement ses aciéries au bénéfice de la nouvelle vision minière qui a été créée en 2010 et qui est déjà la plus profitable du groupe. En 2011, cette dernière a en effet contribué pour 52,4 % des résultats, alors qu'elle ne représente que 6,6 % du chiffre d'affaires. La sidérurgie reste pourtant en Europe une industrie stratégique car elle irrigue de très nombreuses filières : bâtiments et travaux publics, automobile, construction mécanique, électromécanique, machines-outils, emballage... Sans acier produit à proximité, ces industries, qui représentent des millions d'emplois, perdront encore de leur compétitivité et de leur capacité à produire de la richesse. Même si l'Europe consomme moins d'acier qu'auparavant puisque ses infrastructures sont pour l'essentiel construites, elle reste le continent le plus performant au monde pour la production d'acier. La plupart des innovations et la quasi-totalité de l'ingénierie sidérurgique sont assurées par l'Europe. C'est sur le site de Florange que se développe l'important projet ULCOS. Telle est la raison pour laquelle il faut défendre l'industrie sidérurgique européenne partout où elle se trouve. Acquérir une part significative du capital des sociétés françaises du groupe ArcelorMittal afin de garantir un rôle stratégique prépondérant de l'État est la seule solution pour empêcher que se développe une concurrence inefficace entre Dunkerque, Florange et Fos, pour accélérer la modernisation des usines avec la technique de captage CO2 et pour construire une aciérie électrique à Gandrange. (1) Économiste et syndicaliste. (L'Humanité Dimanche)
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