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Dimanche 11 Mars 2012 :

 

Quand la justice prive les mal-logés de télévision

En plein tournage, la documentariste Marie Maffre a été arrêtée, son matériel placé sous scellés.

« Ils nous ont embarqués dans le panier à salade, puis nous ont signifié notre placement en garde à vue. » Marie Maffre est documentariste. Depuis près de deux ans, et pour les besoins de son prochain film, elle suit les actions du collectif Jeudi noir, association de lutte contre le mal-logement.

Le 2 mars dernier, elle est rue de Châteaudun, dans le 9e arrondissement, à Paris. Quatre militants du collectif ouvrent la porte d'un bâtiment vide de plus de 2000 mètres carrés en vue d'y accueillir, le lendemain, des familles mal-logées soutenues par le DAL. Probablement repérés par géolocalisation, Les quatre militants et Marie Maffre sont arrêtés et placés en garde à vue sans qu'à aucun moment ne leur soit signifié le motif de leur interpellation. Et les forces de l'ordre n'y sont pas allées avec le dos de la cuillère. Pour cinq personnes sur les lieux, pas moins d'une centaine de policiers et gendarmes ont été dépêchés. Aberrante démonstration de force. « À la fin de la nuit de garde à vue, raconte Marie Maffre, les officiers de police m'ont informée que mon matériel de tournage, caméra et films, allait être saisi, placé sous scellés et mis à disposition de la justice » sur demande du procureur de la République. Un procureur bien peu au fait du respect du secret des sources.

Dans un communiqué publié mardi, Reporters sans frontières (RSF) a fait part de sa vive protestation. « L'arrestation et le placement en garde à vue de la documentariste sont tout simplement illégaux », souligne l'organisation, rappelant que « bien qu'ayant signalé au responsable des relations presse de la préfecture qu'elle était présente sur les lieux dans le cadre de son travail », Marie Maffre a, entre autres, « subi une fouille corporelle ». Craignant que « ces images soient utilisées pour l'enquête, nous réclamons la restitution immédiate du matériel de la documentariste ainsi que les rushs, fruit de son travail », poursuit RSF.

Une exigence relayée par la Société des réalisateurs de film (SRF), qui a fermement condamné, mardi, « des pratiques indignes de notre démocratie » et assuré Marie Maffre ainsi que Kien, sa maison de production, « de tout son soutien ». De son côté, la réalisatrice se dit « ulcérée par le fait qu'on réquisitionne du matériel professionnel pour nourrir une enquête contre des militants ». Des militants en lutte contre le mal-logement et dont l'arrestation, ce soir du 2 mars, reste en elle-même scandaleuse.

Des écoutes téléphoniques aux perquisitions dans les rédactions, des arrestations aux saisies de matériel, l'histoire de Marie Maffre vient s'ajouter à la longue liste des irrégularités qui nourrissent un climat délétère et entachent violemment le principe fondamental de la liberté de la presse.

Marion d'Allard

(l'Humanité)

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