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Mardi 6 Mars 2012 :

 

Renault au tribunal

Social. Parce qu'ils estiment avoir été trahis lors de la signature d'un plan de départ anticipé, plus de 80 anciens de Sandouville attaquent le constructeur automobile français.

Embouteillage, hier matin, à l'entrée du conseil des prud'hommes du Havre. Une soixantaine d'anciens salariés de Renault Sandouville s'y sont retrouvés à l'occasion du dépôt de leurs dossiers au greffe. Une action

« inhabituelle et symbolique », selon les mots d'Éric Baudeu, l'avocat chargé de défendre leur cause face au constructeur automobile français.

« Renault ne pouvait ignorer la réforme qui se profilait »

Cette cause, mise en lumière par la CGT de Sandouville il y a bientôt un an, c'est celle des PRV, ces quinquagénaires ayant quitté l'entreprise dans le cadre du Plan Renault volontariat et désormais pénalisés par la récente réforme des retraites. Au total, 84 dossiers ont été remis au greffe par Éric Baudeu, suivi dans les couloirs par l'ensemble des ex-Renault présents.

« J'ai cru comprendre qu'on vous avait indiqué, à l'époque, qu'il n'y aurait aucun souci », s'est auparavant exprimé l'avocat, face à eux. Or, assure le magistrat, « Renault ne pouvait ignorer la réforme des retraites qui se profilait déjà. Nous estimons sur le plan juridique que l'on vous a caché la réalité de la situation ». Pour Éric Baudeu, il s'agit donc de confirmer le constat de « tromperie ». « Nous demandons à la justice de condamner la société Renault à vous payer ce qu'elle vous doit. Mais nous irons plus loin en demandant également la nullité de la convention que vous avez signée en 2009, ce qui peut être lourd de conséquences pour Renault : si la nullité est prononcée, vous ferez partie à nouveau de l'entreprise, avec tout ce que cela implique par rapport aux salaires, etc. »

Les salariés du PRV sont désormais invités à se rassembler une nouvelle fois au conseil des prud'hommes le lundi 2 avril, date à laquelle seront abordés les dossiers en conciliation. « C'est important de venir montrer notre mécontentement, estime Jean-Claude. Alors que plusieurs de ses camarades doivent combler jusqu'à quatorze mois sans revenus, il ne lui manque qu'un trimestre. « Mais ce n'est pas une raison ! J'ai passé trente-huit ans sur les chaînes et aujourd'hui je me sens trahi. »

Chez certains de ces préretraités, la vie est rythmée par des relances de Pôle Emploi « pour des formations bidons », affirme Gérard. « On m'a proposé à deux reprises un boulot payé 9,50€ de l'heure et à 100 km de chez moi », raconte plus loin l'un de ses anciens collègues. Pour Jean-Claude, c'est clair : « hors de question de retourner bosser ». « Moi, je n'ai pas le choix », lâche une autre salariée sous couvert d'anonymat. Elle se prépare à reprendre le chemin du travail pour quelques mois... à Sandouville. « Et je ne suis pas la seule ! Je ne possède pas la fortune pour me permettre de ne pas être payée pendant quatorze mois. J'ai fait un essai de quelques jours au service dans une cantine, mais je n'étais pas assez rapide... Ils ont préféré prendre des jeunes. »

Thomas Dubois


« Des solutions au cas par cas

En juillet 2011, le responsable des ressources humaines de Renault France, Jean Agulhon, réfutait catégoriquement, dans ces mêmes colonnes, l'idée selon laquelle le constructeur automobile avait obligatoirement connaissance des finalités de la réforme des retraites en préparation.

 

Huit mois après, la position de la direction du groupe n'a guère évolué. Celle-ci invite toujours les anciens salariés à se manifester personnellement, pour « des solutions au cas par cas » pouvant se traduire par des missions d'intérim.

La CGT de Sandouville a toujours rejeté cette éventualité, exigeant au minimum une réintégration des PRV dans les effectifs concernés par la GPEC (Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences), un autre plan de départ volontaire validé l'année dernière, mais entièrement financé par Renault. « Cela fait plus d'un an que nous demandons une médiation », a déploré l'élu CGT Nicolas Guermonprez, hier en conseil des prud'hommes.

« Renault ne nous a jamais répondu, alors nous passons à l'action. »

Depuis avril 2011, le syndicat s'emploie à fédérer le collectif des anciens du PRV et à attirer l'attention, d'un point de vue médiatique comme politique. Dernier épisode en date : l'entretien accordé par Alain Juppé, en marge de sa visite au Havre le 9 février dernier. Le ministre des Affaires étrangères avait alors rappelé la position jusqu'à présent maintenue par le gouvernement : c'est à Renault d'assumer entièrement sa responsabilité dans ce dossier.

(Havre libre)

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